Publié le Mercredi 13 janvier 2021 à 10h33.

Le desperado de la Maison-Blanche

Trump, s'exprimant lors du rassemblement « Save America » le 6 janvier, a incité ses partisans à une insurrection durant laquelle cinq personnes sont mortes. Ce matin-là, Trump a exhorté ses 20 000 partisans à marcher vers le Capitole (siège des deux chambres du Congrès), tandis que son avocat Rudy Giuliani a appelé à un « procès par le combat » [« trial by combat »].

Cette action peut être qualifiée de coup d'État manqué car l'objectif était d'annuler l'élection de Joseph Biden en forçant le vice-président Mike Pence et le Congrès à déclarer Trump président. C'était une tentative de renverser par la force le nouveau gouvernement élu.

« Pendez Pence ! »

Cette violence n'a pas été une surprise. Pendant quatre ans, Trump a construit une base massive de nationalistes blancs. Des semaines auparavant, les nationalistes blancs et les fascistes utilisaient les réseaux sociaux pour organiser leurs forces pour se rendre à Washington avec des armes. Ils ont apporté non seulement des armes à feu mais aussi des cocktails Molotov et des engins explosifs, des systèmes de communication et des cartes du Capitole. Certains policiers du Capitole ont coopéré avec les insurgés, ouvrant des barrières et les dirigeant vers les bureaux du Congrès. Certains de ceux qui entraient criaient « Pendez Pence ! », le vice-président coupable de ne pas avoir soutenu Trump jusqu’au bout. Pour des raisons obscures, la Garde nationale a mis du temps à réagir et a reçu l'ordre d'agir uniquement dans des limites étroites.

En tant que coup d'État, l'événement a été un échec total, surtout en raison du manque de soutien de l'armée, la clé de la plupart des coups d'État. Pourtant, c'était une tentative de coup d'État, aussi pathétique soit-elle, car, comme l'ont dit les émeutiers, ils étaient venus pour renverser les élections, pour mettre Trump au pouvoir et, comme certains l’ont proclamé, mener « une révolution ». Bien qu'il y ait eu, au cours de l’histoire, des centaines de manifestations à Washington de toutes sortes de groupes et de nombreuses émeutes de droite au fil des ans contre les travailleurEs, les Noirs, les Latinos et les gens de gauche, il n'y a jamais eu d'insurrection comme celle-ci, ni de tentative de renverser le gouvernement américain depuis la guerre civile de 1861-1865 lorsque les États esclavagistes se sont rebellés.

« Vous êtes remarquables »

Pendant plusieurs heures, Trump n'a pas dit un mot sur l'insurrection en cours, mais finalement, sous la pression de ses assistants les plus proches, il a déclaré à ses partisans : « Je sais que vous souffrez. Nous avons eu une élection qui nous a été volée. Ce fut une élection écrasante et tout le monde le sait ». Puis il a dit: « Vous devez rentrer chez vous maintenant. » S'adressant directement aux émeutiers, il a ajouté : « Nous vous aimons. Vous êtes remarquables. »

Après que les envahisseurs aient été chassés du bâtiment, le Congrès s'est réuni à nouveau sous la présidence du vice-président Pence et a confirmé l'élection de Biden à la présidence. Pourtant, même dans ce contexte, quelque 147 représentants et huit sénateurs, fidèles de Trump, ont voté contre la confirmation du vote du collège électoral.

L'incitation de Trump à l'insurrection a conduit les Démocrates, avec le soutien de certains Républicains, à appeler à sa destitution immédiate, soit par l'article 25 de la Constitution, soit par mise en accusation. L'article 25 permet au vice-président et à la moitié du cabinet de révoquer un président si le président est « incapable de s'acquitter des pouvoirs et devoirs » de sa fonction. Mais Pence a refusé jusqu’à présent d’engager une telle action et il est peu probable que le cabinet soutienne une telle initiative. La Chambre des représentants, contrôlée par les Démocrates, a rédigé une résolution de destitution accusant Trump d'incitation à l'insurrection. Il est peu probable que le Sénat à majorité républicaine (issu des élections précédentes) se réunisse à nouveau pendant que Trump est en fonction et les deux tiers des voix nécessaires pour le condamner ne seraient de toute manière probablement pas réunies. Mais la procédure pourrait être reprise après le départ de Trump.

Trump reste un danger

Certains craignent que Trump ne mène le pays à la guerre ou utilise des armes nucléaires. On craint également qu'il n'utilise ses pouvoirs présidentiels en faveur de ses fidèles, peut-être pour pardonner aux insurgés, pour pardonner à sa famille et à davantage de ses amis, et peut-être même pour se gracier. Il semble que jusqu'au 20 janvier, nous devrons vivre dans la crainte des initiatives du desperado à la Maison Blanche.

Twitter, après quatre ans de diffusion de mensonges par Trump, a définitivement fermé son compte, qui était suivi par des dizaines de millions de personnes. Facebook et Instagram l'ont également fermé les comptes de Trump.

Mais Trump reste toujours un énorme danger. 147 représentants et huit sénateurs se sont donc opposés à la confirmation de Biden. Le Comité national républicain s'est réuni lors de l'insurrection et reste 100% pro-Trump. Il y a 74 millions de personnes qui ont voté pour Trump et la plupart le soutiennent toujours. Selon les sondages, entre 20 et 40 pour cent de tous les républicains soutiennent l'insurrection. Parmi les partisans de Trump, les fascistes s'organisent. Les trumpistes prévoient de retourner à Washington le 17 janvier. Il n'y aura pas de tentative de coup d'État cette fois, mais on peut s’attendre à des violences. Notre prochain problème sera Biden et le néolibéralisme des Démocrates, mais Trump est toujours le problème pour le moment.

Traduction Henri Wilno