Les résultats du référendum de dimanche ont été pour chacunE une superbe et double surprise. On attendait un résultat très serré, avec une possible victoire du Oui de la réaction, mais la victoire du Non s’est révélée triomphale : 61,3 % , avec une participation semblable à tous les scrutins. Et surtout, les résultats ont montré le caractère populaire et de classe du vote.
C’est une défaite totale pour la réaction : toutes les régions ont voté pour le Non, avec des scores allant de 57,3 % pour le Péloponnèse jusqu’à 70 % pour la Crète (59,7 % en Attique). Toutes les grandes villes ont voté Non, les villes ouvrières souvent à plus de 70 % : les banlieues industrielles (Aspropyrgos : 79,2 %) ou les villes de province (Volos : 69 %, la Canée : 73,9 %), sans oublier des îles pour vos vacances militantes (Corfou : 71,2 %, Ikaria : 79,5 %) ! À l’inverse, les banlieues très riches ont voté massivement Oui : Kifissia 60,6 %, Psychico 71,2 %... Un vote de classe exemplaire... auquel il faut évidemment donner un prolongement de classe !
Une campagne de haine et de panique
Jusqu’au bout le résultat était incertain : le risque du Oui était très fort en raison des hésitations de la direction de Syriza, mais surtout d’une campagne de haine et de panique jamais vue jusqu’ici. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette victoire.
D’abord un probable effet boomerang : la bourgeoisie grecque (et européenne) a mené une véritable guerre civile médiatique, en lien étroit avec la troïka et les médias européens. Banques fermées par l’Union européenne, avec caméras filmant les files devant les distributeurs, chantage à l’emploi des patrons pour que leurs employéEs votent Oui, chaînes de télévision privées continuant la campagne la veille du scrutin, spots télévisés au coût faramineux en faveur du Oui, discours de peur de la droite et du Pasok sur « le jour d’après »...
Il est donc quasi sûr – et c’est un événement considérable – que la population a justement pris conscience de la guerre menée contre elle. Ainsi une équipe de télévision a été chassée par les gens faisant la queue, la morgue d’un « journaliste » anti-syndical comme Yannis Pretenderis (celui qui dans le Monde parle de Tsipras, le « pauvre type qui nous gouverne ») a créé une répulsion de classe... Bref la prise de conscience s’est faite sur ce qui nous attendait si le Oui l’emportait !
À gauche, le KKE, qui pèse entre 4 et 6 %, a été désavoué, sauf à de rares exceptions locales, dans sa consigne de double Non, des bulletins comptabilisés comme nuls faisant le jeu de la bourgeoisie. Une prise de position en faveur du Non d’un ancien dirigeant mais toujours membre, Kalamatianos, a eu semble-t-il un fort écho dans le parti. On peut espérer des suites face au crétinisme sectaire de la direction.
Un Non contre l’austérité, pour la rupture
La raison principale de la victoire réside dans la campagne pour le Non. Alors que les hésitations de la direction de Syriza jusqu’au jeudi soir (des dirigeants s’exprimant pour reporter le référendum, Tsipras continuant à proposer un accord de dernière minute) pesaient contre une mobilisation de masse, des équipes de Syriza et surtout l’engagement actif d’Antarsya et d’autres forces (dont des anarchistes pour voter Non !) ont permis une mobilisation populaire dans les quartiers. Antarsya a mené des actions de masse (avec une très grosse manifestation le 2 juillet, l’occupation des bureaux de l’Union européenne...). Alors que les hésitations de la direction de Syriza nécessitaient une campagne de masse dynamique, ce sont les forces regroupées autour d’Antarsya qui ont été à l’initiative, et non la gauche de Syriza.
Enfin, les énormes rassemblements du vendredi 3 juillet ont joué un rôle crucial dans l’affirmation du mouvement populaire pour un Non, dont le sens n’est pas un chèque en blanc aux négociations, mais clairement un refus de l’austérité, et cela non seulement à Athènes, mais dans bien d’autres villes. Soulignons aussi le basculement de la paysannerie sur le Non, et l’invisibilité des nazis de Aube dorée (qui appelait à voter Non) dans la campagne. Un fait important pour la suite.
Une fois la victoire passée, le risque est aujourd’hui bien présent. Alors que ce vote est un mandat pour aller vers la rupture avec des partis bourgeois défaits, la direction de Syriza a joué dès dimanche soir la petite musique de l’union nationale, prolongée ce lundi dans une rencontre des chefs de partis pour des propositions « réalistes » à soumettre à Bruxelles. Au contraire, face à l’intransigeance bourgeoise réaffirmée, c’est la rupture qu’il faut clairement engager, ce qui exige un très fort mouvement de soutien populaire dans les autres pays européens !
D’Athènes, A. Sartzekis