Publié le Jeudi 7 novembre 2024 à 08h00.

Le Sahara occidental sur l’autel de l’impérialisme français

Emmanuel Macron traverse la Méditerranée et fait un triplé gagnant. Lors de sa visite au Maroc du 28 au 30 octobre, le président regagne du crédit auprès de la monarchie, signe des accords d’investissements et assure une zone de blocage hors d’Europe pour les migrantEs.

 

La complicité de l’État français avec le régime autoritaire et corrompu du Maroc — la royauté et son régime, le Makhzen — est un scandale ancien. Elle n’a connu que de brefs moments de refroidissement. Macron réussit à rendre cette complicité encore plus cynique et scandaleuse, avec cette déclaration le 29 octobre à la tribune du Parlement : « Le présent et l’avenir [du Sahara occidental] s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine »

Soutien à la politique du Maroc

Alors que la Cour de Justice de l’Union européenne vient de confirmer début octobre l’annulation des accords commerciaux de 2019 entre le Maroc et l’Union européenne relatifs à la pêche et aux produits agricoles, car ils ne respectent pas le consentement du peuple sahraoui, Macron se dépêche de s’asseoir sur cette petite victoire des Sahraouis qui se battent pour la reconnaissance de leurs droits et de leur territoire convoité par le Maroc depuis 1975 et le désengagement espagnol.

Le message macronien, « chaleureusement applaudi » selon Ilyes Ramdani 1, n’était évidemment pas à destination du peuple sahraoui, mais bien adressé aux autorités du Maroc pour regagner leurs grâces. Car l’affirmation élyséenne ne doit rien au hasard et est l’aboutissement d’un lobbying puissant des entreprises françaises du CAC40, dont une quarantaine de dirigeants avaient fait le déplacement à Rabat. 

Gagner des marchés

L’objectif de la délégation était de regagner un « avantage comparatif » dans la concurrence des multinationales pour l’accès aux grands marchés publics, en particulier d’infra­structures et d’armement marocains. Et le Sahara occidental est aussi un vaste « territoire de 266 000 kilomètres carrés en plein développement, avec des réserves de phosphate enviées dans le monde entier, des eaux généreuses en poissons, des produits agricoles, du sel, du sable, un potentiel énorme en matière d’énergies renouvelables… » 2

Dix milliards d’euros de contrats et d’accords d’investissement, c’est donc la récolte de la visite d’Emmanuel Macron. Une récolte qui valait bien pour la bourgeoisie française de jeter aux orties tout principe démocratique et droit à l’auto-détermination des peuples, inclus dans les résolutions de l’ONU, pour le Sahara occidental par exemple, sur les droits et les libertés individuelles ou sur la préservation de l’environnement.

Bloquer les migrantEs hors d’Europe

Cette visite avait tout du voyage d’affaires et bien peu à voir avec une vision politique, encore moins un discours de vérité. L’une des autres motivations macroniennes, en phase avec l’extrême droite et la droite qui siègent au Palais Bourbon, c’est évidemment, par échange de bons procédés, la prise en charge par le Maroc, comme par d’autres États du sud de la Méditerranée, du blocage de l’immigration vers les frontières européennes et françaises ! Et il n’y a toujours pas de vérité et justice sur l’assassinat de Mehdi Ben Barka à Paris il y a 59 ans !

Fabienne Dolet

 

  • 1. Ilyes Ramdani, « Au Sahara occidental, la France empoche des milliards sans être sûre de son droit », Mediapart, 30 octobre.
  • 2. Ilyes Ramdani, « Au Sahara occidental, la France empoche des milliards sans être sûre de son droit », Mediapart, 30 octobre.