Dimanche soir puis dans la nuit de lundi à mardi, la France a bombardé un camp d’entraînement de Daesh à Raqqa en Syrie. Ces bombardements se veulent une réponse aux attentats, mais ils visent surtout à démontrer la détermination de Hollande devenu chef de guerre « impitoyable ».
Ces bombardements sont bien peu efficaces sur le plan militaire, alors que même ceux menées par les États-Unis ou la Russie n’affaiblissent que bien peu Daesh. La France va aussi déployer en décembre le porte-avions Charles-de-Gaulle dans le Golfe qui, avec 24 appareils à bord, triplera sa capacité de frappe.
L’entente russo-étatsunienne
Cette mise en scène guerrière vise à permettre à la France de garder une place déterminante dans la coalition des pays engagés militairement dont Hollande prétendait jusqu’alors vouloir écarter la Russie. Sauf que Poutine a les moyens de s’imposer dans le jeu des grandes puissances et qu’Obama entend bien l’associer. « Les États-Unis et leurs alliés vont redoubler leurs efforts pour trouver une solution pacifique en Syrie et empêcher les combattants de l’État islamique de perpétrer des attaques comme celles qui ont eu lieu à Paris », a-t-il déclaré non sans cynisme. La « solution pacifique »... c’est la guerre.« Nous devrions avoir comme but commun de coordonner nos actions contre Daesh et il est certain que la coopération entre la Russie et les États-Unis est cruciale ».
Obama et Poutine se sont donc entretenus en marge du sommet du G20 le week-end dernier en Turquie. Selon la Maison-Blanche, ils « se sont mis d’accord sur la nécessité d’une transition politique menée par les Syriens et qui se ferait par des négociations sous la médiation des Nations unies entre l’opposition syrienne et le régime, ainsi que sur un cessez-le-feu ». Un accord qui s’inscrit dans la lignée des discussions de Vienne, la veille du G20, qui prévoit une rencontre sous l’égide de l’ONU d’ici au 1er janvier prochain entre représentants d’une opposition syrienne adoubée par Obama et du régime d’Assad, la formation d’un gouvernement de transition dans les six mois et l’organisation d’élections d’ici 18 mois.
Il est évident que les seuls bombardements ne pourront imposer la réalisation ne serait-ce que du début de ce plan pour le moins hypothétique. Les USA ont besoin de composer avec Assad, voire d’intervenir directement au sol. D’où leur souci d’associer à leur politique le plus largement possible. Poutine s’y prête : « On ne peut maîtriser la menace terroriste que si toute la communauté internationale unit ses efforts », avec en écho le président chinois, Xi Jimping, « La communauté internationale doit agir ensemble »...
La guerre, c’est le chaos régional
Erdoğan, le président turc qui recevait le G20, joue un double jeu. Il se fait aujourd’hui le relais actif de la politique des USA, et espère ainsi négocier la situation centrale qu’occupe la Turquie par rapport à la Syrie, tant du point de vue militaire que de celui des migrantEs qui fuient la guerre, le terrorisme et la misère.
Les grandes puissances cherchent à reprendre le contrôle de la situation. L’abject attentat de Paris leur donne des justifications pour accentuer leur politique guerrière et sécuritaire en y associant Poutine et Erdoğan pour rétablir un semblant d’ordre au Moyen-Orient et contenir les migrants aux frontières de l’Europe. Pour cette politique, la Turquie est effectivement indispensable, et Erdoğan entend bien en tirer le maximum de profits en obtenant l’aide des USA et de l’Europe et en négociant aussi sa place au sein de l’Union européenne.
Le résultat, c’est l’intensification de la guerre, et même si tous les chefs d’État l’écartent pour l’instant, cette politique nécessitera d’une façon ou d’une autre une intervention au sol. Quelles que soient les prochaines étapes de la guerre, elle entraîne une exacerbation des tensions qui, loin de l’affaiblir, nourrissent le terrorisme intégriste et entretiennent le flux de migrants fuyant la misère et la guerre.
Cette fuite en avant militariste conduit directement à une détérioration dramatique de la situation des populations et accroît l’instabilité politique de la région.
Yvan Lemaitre