Mouammar al-Kadhafi, au pouvoir en Libye depuis le 1er septembre 1969, se laissera-t-il pousser vers la sortie ? C’est ce que semblent espérer les puissances de l’Otan mais aussi celles du G8 qui étaient réunies la semaine dernière à Deauville. Un mandat fut donné à la Russie ainsi qu’au président sud-africain Jacob Zuma, de conduire une « médiation » censée convaincre Kadhafi d’abandonner le pouvoir. Jacob Zuma se trouvait d’ailleurs en Libye, en début de semaine, mais sans que la négociation n’aboutisse à un retrait de Kadhafi.
Parallèlement à ces tentatives, l’Otan a fortement intensifié ses bombardements depuis la mi-mai, et procède maintenant à des frappes aériennes contre des objectifs à Tripoli même en plein jour.Officiellement, l’Otan s’en tient au cadre de la résolution n° 1973 des Nations unies, adoptée à la mi-mars sur proposition du gouvernement français, qui consacre le feu vert à l’usage de la force militaire « pour protéger les populations civiles contre les exactions des forces de Kadhafi ». Cependant, sur le terrain, les objectifs de l’intervention militaire sont moins clairs. S’agit-il de stopper les attaques du régime du dictateur contre la zone contrôlée par les rebelles, situées surtout dans l’Est de la Libye ? Ou de forcer Kadhafi à partir, quitte à le tuer s’il s’obstine à refuser ? Un flou artistique entoure cette question.
Alors que la pression militaire s’intensifie, la perspective d’un renversement de Kadhafi « par le bas », par des forces issues de la population semble s’être largement éloignée, dans l’Ouest de la Libye. Alors que l’Est, lui, est presque entièrement sous contrôle des forces hétéroclites qui composent la rébellion, dirigée par le Conseil national de transition (CNT), un organe de personnalités cooptées. La France sarkozyste a nommé un émissaire officiel près du CNT. La présence d’une société de mercenaires (la Secopex) dirigée par d’anciens militaires français, qui proposait ses prestations de « sécurisation » aux dirigeants du CNT, a posé davantage de problèmes : les dirigeants rebelles lui reprochaient d’avoir travaillé d’abord pour le régime de Kadhafi. La Secopex fut soupçonnée d’ « espionnage pour Kadhafi », son chef fut tué à Benghazi dans la nuit du 11 au 12 mai, et quatre de ses hommes ont été expulsés vers la France…
En même temps, dans la zone rebelle, une certaine hystérie à propos des « mercenaires noirs de Kadhafi » s’est souvent transformée en exactions racistes. S’il est vrai que Kadhafi emploie des mercenaires, les véritables pogroms anti-noirs auquel ce climat a donné lieu à plusieurs reprises sont totalement condamnables. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (Fidh), qui avait effectué une mission d’information sur place entre le 8 et le 15 mai, a publié un rapport. Celui-ci parle d’une « situation d’extrême urgence ». Les situations relevées vont du licenciement sans indemnité ni paiement de salaire à l’encontre de noirs, jusqu’au meurtre et au viol.
Bertold du Ryon