Au sujet de la solidarité avec les peuples du Maghreb et du Machrek en lutte, pas de faux débat au sein du NPA : personne n’estime que les institutions des États impérialistes visent à émanciper les masses des pays en question, ni même qu’une présence impérialiste pourrait être compatible avec l’autogouvernement du peuple. Les changements sociaux et politiques ne peuvent être l’œuvre que de la mobilisation populaire.
Ainsi, concernant la situation en Libye, le NPA doit d’abord à nos yeux, saluer la chute d’une dictature, qui s’est illustrée depuis des décennies par le pillage des richesses de son pays et une répression violente de toute opposition. C’est sur cette base sans ambiguïté que nous pouvons dénoncer le rôle de l’intervention impérialiste et son évidente volonté de diriger l’après-Kadhafi à ses conditions et émettre des critiques sur l’absence d’indépendance du CNT à l’égard des forces impérialistes, ses prises de position réactionnaires.
Au-delà de la solidarité internationale, des divergences de compréhension politique sur nos tâches existent. En effet, Armelle Pertus écrit : « notre tâche, pour les y aider [à se débarrasser de la dictature] est d’affaiblir les impérialistes, de dégager notre propre gouvernement. » L’article pousse cette logique à son terme en affirmant : « cela implique de miner la crédibilité de sa politique extérieure, pas de laisser croire qu’il peut être d’une quelconque aide pour les peuples ». Concrètement cela revient à dire qu’il faut... « prendre le pouvoir » et qu’en attendant, le « n’ayez pas d’illusion » signifie « n’ayez pas d’espoir » de peser (un peu) sur le cours des événements. Pourtant, on aurait pu écrire « nous pouvons, en agissant dans le cadre d’un front de solidarité avec les luttes contre ces dictatures, démontrer la duplicité des dirigeants et les contraindre... ».
Le sens de la construction des fronts unitaires ne peut être réduit à la défense de la ligne juste mais bien à la capacité à modifier les rapports de forces. Alors que la solidarité avec la lutte du peuple syrien ne connaît que très peu d’échos en France, il aurait ainsi fallu que le NPA prenne part et renforce le seul cadre de solidarité à se monter sur cette question, dès lors qu’était évacué le soutien à une aventure impérialiste en Syrie (ce qui était le cas, la pétition stipulant le « droit imprescriptible [du peuple syrien] à s’exprimer et à construire une alternative démocratique à la dictature hors de toute hégémonie de la part de pays tiers »).
Des victoires partielles ne signifient pas la garantie d’une rupture avec le capitalisme. Il n’y aura pas d’évolution graduelle par accumulation de victoires partielles, des oscillations et des illusions sont inévitables... Ces victoires ne constituent pas une garantie mais une condition pour détruire le capitalisme. Les évacuer signifie se condamner à l’impuissance... ce qui n’a rien d’anticapitaliste.
Emre Çırak, Hélène Adam, Guillaume Floris