Publié le Mercredi 4 novembre 2020 à 09h35.

À l’université de Kaboul, on tue des musulmanEs

Au milieu des annonces désordonnées du gouvernement sur la Covid-19 et de l’indignation justifiée suscitée par l’attentat de Vienne, un nouveau meurtre de masse est passé à peu près inaperçu.

Trois assaillants lourdement armés ont pénétré lundi 2 novembre en fin de matinée à l’université de Kaboul et ont, selon un bilan provisoire, tué froidement au moins une vingtaine d’étudiantEs et de professeurEs et fait autant de blesséEs dont certains sont dans un état critique.

Ils ont tiré dans les salles de cours et pris des otages. « Chaque étudiant cherchait à sauver sa peau et nous n’avions rien d’autre en tête », a indiqué un étudiant à l’agence Reuters. S’en sont suivies plusieurs heures de tirs entre les « forces de l’ordre » afghanes (appuyées par des commandos US) et les assaillants. L’attaque a été revendiquée par le groupe Émirat du Khorasan, considéré comme la branche de l’État islamique en Afghanistan.

Ce n’est pas le premier fait d’arme de ce groupe qui a revendiqué fin octobre un attentat contre un centre éducatif (30 morts). Et en mai, une maternité située dans un quartier pauvre de Kaboul a été attaquée par un commando : 24 mères, sages-femmes et bébés ont été alors été tués. Ce dernier attentat comme le précédent visait des chiites (et n’a pas été revendiqué par le groupe Khorasan).

En 1997, le penseur réactionnaire américain Samuel Huntington publiait un livre intitulé le Choc des civilisations qui prétend décrire le monde après la fin de l’URSS comme le terrain de l’affrontement entre des civilisations. Il met notamment en cause la « civilisation musulmane », et sa thèse a été une des justifications idéologiques de la « guerre contre le terrorisme » déclenchée par les États-Unis. Selon Huntington, les conflits, les guerres, renvoient à des facteurs largement religieux, ce qui évidemment néglige les intérêts économiques et politiques, et globalement l’impérialisme.

Dans le monde dit musulman, les impérialistes se sont acharnés, au 20e siècle, à détruire les forces progressistes, organisant par exemple en 1953 un coup d’État en Iran contre un gouvernement voulant nationaliser le pétrole. Le colonialisme et l’impérialisme ont en retour fabriqué, chez les peuples dominés, des « huntigtoniens » qui découpent le monde selon leurs fantasmes, se parent d’oripeaux religieux et ne s’attaquent pas en premier lieu aux responsables de la situation : les impérialistes et leurs serviteurs locaux, les grands propriétaires fonciers, etc. Et au Pakistan, en Afghanistan, leurs premières victimes en nombre sont ceux qui sont qualifiés de « mauvais musulmans » par les fondamentalistes. D’où les morts de Kaboul et d’ailleurs.

Pour mettre fin à cette spirale infernale, il n’y a pas d’autres voies que de « changer le monde », bien loin des discours « anti-séparatistes ».