2 500 au Perthus
2 500 manifestants se sont retrouvés mercredi 29 septembre dans le village du Perthus (Pyrénées-Orientales), pour bloquer pendant plusieurs heures la frontière franco-espagnole, dans le cadre de l’ « euromanifestation » organisée un peu partout en Europe. Travailleurs français, andorrans et espagnols rassemblés derrière une même banderole « contre l’austérité » et derrière une forêt de drapeaux catalans et rouges (des syndicats mais aussi du NPA), unis dans un même combat contre l’offensive antisociale lancée en Europe aussi bien par des gouvernements de droite que de « gauche ». L’Espagne connaissait le jour même sa première grève générale contre le gouvernement du social-libéral Zapatero qui n’est pas en reste par rapport à la droite ultra-libérale de Sarkozy pour s’attaquer brutalement aux salaires, à la protection sociale et à la retraite (reportée à 67 ans). La participation combative aux cortèges des Commissions ouvrières, de l’UGT et l’Usoc témoignait du succès de la mobilisation en Espagne. Une volonté de lutter qui s’est retrouvée dans les cortèges des syndicats français (venus nombreux de plusieurs départements du sud-ouest) malgré, malheureusement, l’absence d’appel à la grève de ce côté des Pyrénées. La réussite de cette initiative appelle d’autres actions internationalistes plus massives et résolues encore – pour des mobilisations ouvrières unies qui soient coordonnées à l’échelle européenne afin de faire échec aux plans réactionnaires des différentes bourgeoisies qui, au-delà de leurs divergences et concurrences, s’entendent pour faire payer la crise à la classe ouvrière.
100 000 participants à Bruxelles le 29 septembre
Cette journée européenne de manifestation avait été décidée par la Confédération européenne des syndicats, il y a six mois, en réponse aux multiples attaques contre les salariés du continent. Partout des plans d’austérité plus ou moins officiels tentent de faire payer la crise aux peuples. C’est successivement en Grèce, Espagne, Portugal et Italie que les plans les plus draconiens sont d’ores et déjà mis en place. Du Portugal (50 000 manifestants) à l’Italie (50 000) en passant par Varsovie (5 000), Chypre, la Lituanie ou la Serbie, des dizaines de milliers de salariés ont défilé un peu partout en Europe. Mais c’est à Bruxelles que la manifestation était la plus importante regroupant des cortèges venus d’Allemagne avec le DGB (Confédération allemande des syndicats), d’Italie avec la CGIL (Confédération générale italienne du travail), de France avec 20 000 manifestants derrière les banderoles de la CGT, CFDT, FO, CFTC et Unsa. L’ensemble étant accueilli par 50 000 manifestants sous les drapeaux et ballons de la FGTB (Fédération générale du travail de Belgique) et de la CSC (Confédération des syndicats chrétiens de Belgique) et était rejoints par de plus petites délégations du Portugal, de Bulgarie, d’Irlande et de Grèce. Au total une belle unité avec des slogans rassembleurs contre l’austérité, pour l’emploi, pour les conditions de travail. Cette initiative traduit la compréhension par les équipes militantes de la nécessité de porter les mobilisations au niveau européen. Il reste pourtant à construire la coordination des luttes à ce même niveau. Les attaques qui se multiplient contre l’emploi notamment dans l’automobile devraient en être l’occasion pour éviter que la concurrence entre les travailleurs des différents pays ne fassent des ravages dans leurs entreprises, laissant les mains libres aux employeurs.
Grèce : des luttes dispersées
Pas un jour en Grèce sans mobilisations sectorielles : la semaine passée, les propriétaires de camion ont mis fin à leurs actions de blocage, engagées pour refuser l’ouverture de leur profession à la « concurrence libre » qui risque de voir ce secteur pris en main par les grosses sociétés de transport européennes. La semaine passée encore, des grèves et des arrêts de travail ont eu lieu dans les transports en commun : les cheminots se mobilisent de leur côté contre le projet bien avancé de privatisation. Dans le secteur presse-édition, les licenciements pleuvent et les masques tombent : les patrons de presse, très influents dans ce pays et jouant pour certains un rôle de mécène bien mis en scène, se déchaînent, et on a pu voir le patron du groupe du « mécène culturel » Lambrakis, qui licencie la centaine de travailleurs d’une maison d’édition connue, injurier avec une vulgarité inouïe un représentant du personnel combatif. Et jeudi 7, a lieu une grève générale, mais dans le seul secteur public... Beaucoup de luttes donc, mais en même temps une phase de recul des mobilisations nationales, qui avaient été si fortes au printemps. La faute en revient bien sûr au rouleau compresseur du gouvernement socialiste, obéissant servilement aux ordres incessants du FMI et des instances de l’Union européenne. Comme on s’en doutait, les baisses de salaires draconiennes ne suffisent pas, et désormais, c’est aux conventions collectives qu’on s’en prend, avec comme but de pouvoir imposer dans une entreprise des salaires plus bas que celui de l’accord de branche. Mais l’autre responsable de cette phase de recul des mobilisations nationales, sensible lors de la manif de rentrée sociale à Salonique, inférieure en nombre aux attentes du début d’été, c’est bien sûr la bureaucratie syndicale, qui, après la tactique des grèves de 24 heures espacées et usantes, avait laissé entendre un appel à la grève générale pour la journée européenne du 29 septembre. Pour éviter tout risque de débordement et en expliquant sans vergogne que la tactique ne peut plus être aux grèves, le dirigeant de GSEE s’est contenté d’appeler à un rassemblement le 29 au soir : tout juste quelques centaines de travailleurs y ont participé... C’est donc au mouvement de trouver par lui-même son second souffle. A. Sartzekis, Athènes, le 4 octobre.
Grève générale en Espagne : un point de départ encourageant
La grève générale du 29 septembre a montré que la classe ouvrière de l’État espagnol n’a pas renoncé face aux politiques néolibérales du gouvernement Zapatero. Le 9 septembre dernier, le Parlement adoptait une nouvelle réforme du droit du travail avec les voix du PSOE et la collaboration du PNV (Parti nationaliste basque). Cette réforme est la plus grande attaque contre les travailleurs depuis la mort du dictateur Franco. Elle facilite les licenciements en les rendant plus simples, rapides et bon marché pour les chefs d’entreprise ; institutionnalise le contrat de travail temporaire comme voie d’accès au marché du travail ; augmente les pouvoirs des chefs d’entreprise en remettant en cause la négociation collective ; privatise la médiation dans les conflits du travail. Cependant cette réforme du travail n’est qu’un des aspects de la politique agressive de Zapatero. À la fin de l’exercice antérieur, ce gouvernement approuvait déjà un plan d’ajustement s’attaquant aux investissements dans les services publics, diminuant de 5 %, en moyenne, le salaire des fonctionnaires et employés publics avec un blocage salarial pour l’avenir. Et comme si tout cela n’était pas suffisant, il projette aussi une réforme qui porterait l’âge de départ à la retraite à 67 ans. Voilà dans quel contexte les deux centrales syndicales majoritaires (CCOO et UGT) ont appelé à la grève générale, appuyées par le syndicalisme alternatif. Cependant et malgré les conditions favorables à un succès, plusieurs difficultés laissaient présager une grève générale bien plus faible. D’un côté le discrédit du syndicalisme, facilité par des décennies de politique de concertation sociale, d’un autre côté le manque d’unité syndicale et les conditions de l’emploi (haut pourcentage de contrats temporaires, plus de 45 % parmi les 25-29 ans et plus de 94 % dans les entreprises ayant au plus dix employés). Néanmoins, la grève générale a été plus forte que ce qu’on pouvait attendre, avec une grande participation (entre 80 et 100 %) dans les branches comme l’industrie, les transports, la construction et les éboueurs. Et dans la rue, le mouvement a été particulièrement animé. Plus de 1,5 million de manifestants répartis sur plus de 100 manifestations avec des centaines de milliers à Madrid et Barcelone. Le succès dans ces secteurs et la forte participation dans la rue ne peuvent dissimuler la faible participation dans la fonction publique (santé, éducation et administration publique) laquelle ne s’est pas mobilisée pour la défense des droits du travail du secteur privé ni pour les siennes propres, le 8 juin dernier (grève générale dans la fonction publique contre les coupes budgétaires). Par ailleurs, une semaine après le 29 septembre, les directions syndicales des CCOO et de l’UGT n’ont encore fait aucun appel à une nouvelle journée de grève générale. Seule une lutte soutenue dans le temps avec d’autres journées de grève générale fera céder le gouvernement Zapatero. Le succès ou l’échec dépendra donc de notre capacité à faire pression sur les directions syndicales vers la mobilisation prolongée, les éloignant de la table de négociation et de la politique de « dialogue social ». Ruben Quirante, Gauche anticapitaliste (Izquierda Anticapitalista)