Selon Hollande, « Les terroristes ne contrôlent plus aucun territoire, la démocratie a repris son cours, les élections ont eu lieu(...). Ibrahim Boubacar Keita est l’élu du peuple malien, l’économie repart, et la réconciliation, avec les accords d’Alger, est en cours. »1
Dans son discours d’inauguration du sommet Afrique France, François Hollande s’est décerné un auto-satisfecit sur la situation malienne. La réalité, hélas, est tout autre.
Une paix virtuelle
Les actions des groupes armés dans le nord du Mali ne cessent de s’amplifier à tel point que la mission de l’ONU, la Minusma, est l’opération qui enregistre le plus de victimes en son sein depuis l’intervention de l’ONU en Somalie en 1990. Dans le même temps, le journal Jeune Afrique révèle que la région de Taoudénit est entièrement contrôlée par les djihadistes d’Ansar Eddine et les milices de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) qui, par ailleurs, est partie prenante des accords de paix d’Alger.
L’action militaire de la France n’a nullement réussi à démanteler les réseaux djihadistes qui sévissent dans le nord du pays. Elle les a éparpillés, obligeant l’armée française à transformer son opération Serval au Mali en opération Barkhane sur les cinq pays de la zone sahélo-saharienne (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).
Quant aux accords de paix d’Alger, au bout de deux ans, ils ne sont toujours pas appliqués. La violence perdure, nourrie par les affrontements violents entre la Plateforme (milices Pro Bamako) et la CMA et des attaques djihadistes. Les violences sont telles que les représentants de l’État ne peuvent rejoindre leur poste : seuls 37 % des fonctionnaires sont sur place, avec les conséquences pour la population, notamment au niveau de l’éducation et de la santé2.
Une démocratie malmenée
Quant à la reprise de la démocratie évoquée dans le discours de Hollande, elle est bien mise à mal au vu des nombreux scandales de corruption qui touchent le pouvoir. Sans parler du népotisme d’Ibrahim Boubacar Keita, le président, dont le fils et autres neveux se retrouvent propulsés à des postes importants de l’appareil d’État ou de l’administration.
Les dernières élections municipales, avec une participation en moyenne de 43 % et seulement de 23 % pour Bamako, révèlent la désaffection de la population pour la classe politique.
Mais la situation se dégrade aussi dans la région de Mopti dans le centre du pays. Des violences récurrentes entre communautés Peul, Tamasheq et agriculteurs, sont en train de miner la cohésion de la société. Une situation idéale pour les djihadistes qui utilisent ces conflits armés pour s’implanter et recruter notamment des jeunes Peuls. Ce nouveau foyer de crise au Mali pourrait empirer si Bamako continue de répondre aux griefs de marginalisation des Peuls dans cette région par une politique stigmatisante et répressive.
Quant à la situation économique du pays vantée par Hollande, le fait qu’un quart de la population soit en situation d’insécurité alimentaire3 en est un cinglant démenti.
Paul Martial