Publié le Jeudi 20 juin 2013 à 10h35.

Mali : jeu de dupes

Si l’histoire ne se répète pas, au Mali elle bégaie singulièrement. Ainsi, comme en avril 1992 et plus récemment en octobre 2009, les mêmes protagonistes, gouvernement malien et rebelles armés touaregs, sont en train de négocier un énième plan de paix.Qu’attendre de ces pourparlers ? Ils sont menés par un gouvernement illégitime, qui doit principalement son fauteuil à la France, et les indépendantistes du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) dont la représentativité des touaregs et a fortiori des autres communautés vivant dans le nord du pays est pour le moins discutable. Ces deux protagonistes sont largement comptables des souffrances des populations depuis l’intervention militaire française.

Sur le dos des populationsDe ces négociations, les populations, dont les nombreuses et actives organisations de la société civile, restent les grandes absentes. Cela donne ainsi l’avantage à des groupes armés, maliens et rebelles, qui, des deux côtés, ont agressé les habitants des villes et des villages du nord en raison de leurs origines ethniques.Avec les mêmes règles du jeu et les mêmes joueurs, le scénario est connu d’avance. Les trafics en tous genres, les enrichissements et la corruption, vont de nouveau se développer au détriment d’une population encore plus appauvrie et divisée par ces conflits provoqués en son nom.Quelle que soit leur communauté, les habitants du nord du Mali ont besoin avant tout de services publics, de centres de santé, d’écoles, d’infrastructures agricoles et routières. Mais les risques sont grands que les sommes versées pour le développement soient de nouveaux accaparées par les dirigeants des différents groupes armés, qu’ils soient officieux ou officiels.Pour la communauté internationale, particulièrement la France et les États-Unis, le plus important est d’avoir un accord de paix qui permet la tenue des élections présidentielles sur l’ensemble du territoire le plus rapidement possible, pour donner un vernis légal aux caciques du régime qui ont conservé le pouvoir. Pré-requis essentiel pour asseoir la légalité du déploiement de la Minusma, la force des Nations unies au Mali, et permettre aux USA de pouvoir traiter officiellement avec le nouveau gouvernement élu.Et peu importe si les élections prévues fin juillet sont bâclées. En effet la période des pluies va rendre les opérations électorales difficiles, d’autant que les conditions techniques minimales ne sont pas réunies. Une telle impréparation ne peut que favoriser les fraudes électorales dont le pouvoir de Bamako est coutumier.

Renforcement de l’impérialisme au SahelCe décorum légal permettra de mettre en place le plan prévu par Paris. Une force militaire des Nations unies dirigée par le général rwandais Jean-Bosco Kazura, assisté d’un général nigérien, le chef d’état-major étant un général français ! Au côté des casques bleus, des troupes françaises - un millier d’hommes - restent indépendantes, et sont habilitées à mener leurs propres opérations offensives. Dans le même temps, l’armée française renforce ses bases dans les principaux pays limitrophes, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Niger où les commandos du Commandement des opérations spéciales sont déployés pour protéger les installations d’Areva. C’est à Agadés que stationneront les drones américains pour la surveillance de toute la région sahélienne.Avec ce dispositif, les puissances impérialistes, France en tête, n’ont plus besoin de l’aide du MNLA pour sécuriser la région et François Hollande peut désormais déclarer qu’il ne peut y avoir qu’une seule armée sur tout le territoire du Mali. Comme souvent, les grands vainqueurs de cette crise africaine sont à Paris. Hollande a gagné ses galons de grand commandeur de la Françafrique, la hiérarchie militaire a sauvé son budget et renforcé ses bases sur le continent. Parions que les entreprises tricolores seront toutes désignées pour aider « au développement et à la reconstruction » du Mali.Pourtant, rien n’est réglé. L’intervention française n’a nullement réussi à éradiquer le terrorisme, objectif affiché de Hollande. L'éparpillement des djihadistes sur les pays de la région multiplie ainsi les foyers de conflit. Au nord du Mali, les populations restent encore victimes tant des forces maliennes que des différents groupes armés comme le MNLA, les combattants arabes de Ber, ou les milices de Ganda Koy. Dans ce climat, la Commission dialogue et réconciliation ne permet pas un apaisement entre les différentes communautés.

Paul Martial