Publié le Mercredi 29 janvier 2020 à 11h35.

Martinique : debout pour la retraite, debout contre le chlordécone, debout pour la vie !

Depuis le 5 décembre 2019, la Martinique connait les plus grandes manifestations de rue des dix dernières années. Ce n’est pas février 2009, où 38 jours de grève avaient paralysé le pays, mais c’est la preuve que le traumatisme lié aux déceptions après cette grande lutte ne durera pas éternellement. 

La manifestation de vendredi 24 janvier a, de l’avis de beaucoup, dépassé en ampleur celle du 5 décembre. C’est que, chemin faisant, la lutte du monde scolaire a pris une place centrale dans la mobilisation, prenant en quelque sorte le relais des gros cortèges des employéEs municipaux. Pour la première fois aussi, suite à un effort intersyndical qui a d’ailleurs trop tardé, les travailleurEs du secteur pétrolier (et surtout de la raffinerie la Sara) ont frappé avec trois jours de grève. Mais, comme en France, les insuffisances de la mobilisation du privé sont palpables.

Large mobilisation 

Les syndicats présents dans cette lutte sont la CDMT, la CGTM, FO, la FSU, l’Unsa et un syndicat né d’une scission de la CGT, l’USAM. La CDMT vient de faire aux autres centrales la proposition d’une globalisation de la lutte par des intersyndicales de secteurs qui formuleraient des plateformes pour entrer dans la lutte de façon plus concrète et plus générale. 

Lundi 27 janvier, les établissements scolaires étaient bloqués dans toute l’île, avec parfois des manifestations dans plusieurs villes. La colère du monde de l’éducation combine la forte hostilité au saccage des retraites et la grogne contre les réformes Blanquer, le saccage du bac, etc. Ici aussi des spécificités aggravent la situation : le bac par établissement risque d’avoir une grave baisse de crédibilité, et le calcul des retraites ne prend pas en compte les indemnités de vie chère par ailleurs supprimées à la retraite (contrairement à la Réunion). L’arrogance du recteur a ajouté un peu d’huile sur le feu, et le mouvement exige depuis peu son… rapatriement ! Cette arrogance, très coloniale, est à l’origine d’une puissante grève à La Poste.

Chlordécone

Le sujet sur lequel la nature coloniale du système s’exprime avec le plus de violence a un nom : chlordécone. Ce perturbateur endocrinien qui empoisonne la Martinique et la Guadeloupe a bien fait l’objet d’une récente commission d’enquête parlementaire, mais l’État ne montre aucun empressement à mettre les moyens nécessaires, ni à faire droit aux plaintes déposées contre les empoisonneurs alors que sa propre responsabilité est essentielle.

Depuis quelques mois, des dizaines, voire une centaine de manifestantEs, organisent un boycott actif hebdomadaire et tournant des grandes surfaces du Groupe Bernard Hayott, du nom de la plus grosse fortune de l’île, un béké dont le frère a joué un rôle central dans l’introduction, l’utilisation, puis la production de ce poison, autorisé quelques années, par dérogation, dans les colonies antillaises. L’arrestation de sept jeunes activistes après un de ces boycotts et leur convocation au tribunal a été l’occasion d’un rassemblement pendant lequel une provocation policière à entraîné des échauffourées. De 14 h à 23 h, ce lundi 13 décembre, le quartier du palais de « justice » a été de fait fermé à toute circulation, enfumé en permanence et illuminé par les flammes des poubelles servant de combustible improvisé. 

Embarras du pouvoir

Le renvoi du procès au 3 juin, la libération de quelques personnes raflées par les policiers au moment de leur départ prouvent l’embarras du pouvoir.

Un comité du 13 janvier se préoccupe du soutien à ces otages de la répression coloniale. En même temps, la structure unitaire Lyannaj pou Depolyé matinik, solidaire contre la répression, entend poursuivre sa propre mobilisation, appuyée sur une plateforme de 52 revendications établies par le mouvement social depuis un an et demi, et régulièrement enrichie au gré de sa popularisation.

Cette mobilisation cible bien sûr l’État, mais interpelle aussi la Collectivité territoriale de Martinique pour les questions qui relèvent d’elle, comme les terres en friches, ou les municipalités sur la question de la préservation des terres agricoles.

Les organisations nationalistes officielles se situent en marge de ces mobilisations, soit parce que leur soutien à la CTM les prive de l’indépendance d’action nécessaire, soit parce qu’elles refusent, comme d’ailleurs l’UGTG d’Elie Domota, de participer à des luttes décidées en France pour ce qui est de la retraite.

Ne subissant aucune de ces entraves, les militantEs du Groupe révolution socialiste (GRS) sont vent debout dans les mouvements.