Près de 150 personnes ont manifesté aux flambeaux dans les rues de Fort-de-France, le 18 mai, pour réclamer le cessez-le-feu et l’arrêt du génocide en Palestine à l’appel de plusieurs organisations, dont le GRS (Groupe Révolution socialiste).
Première manifestation depuis la fin décembre (hormis la présence salutaire de Martinique Palestine Solidarité dans les cortèges du 8 mars et du 1er mai), celle-ci s’imposait au moment où la dernière parcelle de la « bande de Gaza » vit les heures les plus douloureuses et dangereuses de toute son histoire.
La présence du député européen réunionnais Younous Omarjee (LFI), à peine descendu d’avion, et celle du député de la Martinique Marcellin Nadeau (parti Péyi-a) étaient à cet égard significative.
Cela n’a pas empêché dans les conversations militantes et même dans les interventions au micro des débats assez répétitifs mais incontournables. Était-il juste d’associer dans un slogan improvisé les causes de la Palestine et de la Kanaky ? (« On tue à Gaza, on tue à Nouméa, c’est le colonialisme qui assassine »). Faut-il manifester pour ces combats lointains alors que nous manquons d’eau, de transports publics suffisants, de mécanismes protecteurs contre le vol de terres… et non de chlordécone dans le sang ?
Luttes locales et combats lointains : même combat
Reprenons nos réponses. D’abord, l’opposition des luttes locales au combats « lointains » ne sert pas du tout l’implication dans les combats locaux. Au contraire, elle sert d’alibi facile à celles et ceux qui ne se mobilisent sur rien. En dénigrant le réflexe sain de la révolte contre l’injustice dans quelle que partie du monde que ce soit, on affaiblit la volonté de se rebeller contre les problèmes qui nous assaillent ici et maintenant. Il y a toujours des choix de mobilisations à faire, mais relativiser l’importance cardinale d’une action mondiale contre le crime et le génocide n’est ni moral, ni intelligent, ni efficace.
Ensuite, les tâches de solidarité internationaliste dans le monde mondialement mondialisé d’aujourd’hui est une aide que l’on se porte à soi-même. Inutile d’insister longuement sur l’exemple de la Kanaky tellement nous sommes confrontés à des problèmes assez semblables : refus obstiné du colonialisme français de respecter la parole qu’il a dû donner dans un moment de grande mobilisation populaire ; entêtement à maintenir la domination coloniale y compris en donnant la main à la recolonisation de peuplement ; incapacité à résoudre les problèmes sociaux, source périodique d’explosions de colère. L’argument vaut aussi, quoique de façon différente pour le cas de la Palestine : que serait le monde, que deviendrait la lutte des peuples pour leur émancipation, le nôtre compris, si le génocide en cours à Gaza arrivait à son horrible terme, si les peuples indignés du monde se révélaient impuissants à arrêter le bras des criminels dans le cas, beaucoup plus connu, plus long et au risque total que l’abominable cas du Rwanda, dont cela dit, nous payons encore le coût au Congo ?
Autodétermination des peuples et indépendance de classe
Et même si les choses sont beaucoup plus embrouillées dans le cas de l’Ukraine, que gagneraient les peuples se battant pour leur autodétermination d’une victime du « typique argousin grand-russe » qui règne sur la Russie avec le rêve abominable de reconstruire une « prison des peuples », glorieusement abolie par la Grande Révolution d’octobre 1917 ?
Dans le monde interconnecté du 21e siècle, où le capitalisme en crise vit des concurrences enragées pour le profit, suscitant des conflits entre États qui sont tous capitalistes (la Chine et la Russie comprises), l’autodétermination des peuples redevient un enjeu capital, plus universel que jamais dans l’histoire.
À Gaza, à Nouméa, à Kiev, il est de notre intérêt d’en défendre le principe et la réalité en prenant deux précautions essentielles : garder à l’esprit la conscience précise des différences entre les situations et garder une totale indépendance à l’égard des forces dirigeant les processus de résistance. Surtout, bien entendu, quand il s’agit de forces étatiques qui ne sont pas nos amies, loin s’en faut ! En particulier quand il s’agit de l’Ukraine.