Début janvier a été signé un accord important entre la Grèce et Israël : la Grèce confie à Israël la formation de ses pilotes de chasse, en concédant les infrastructures de la base de Kalamata (Péloponnèse)… à une société privée israélienne, Elbit Systems, pour créer et monter une école de pilotage, avec acquisition d’avions d’entraînement et perspective d’en faire un centre ouvert aux pilotes de divers États.
Cet accord, conclu pour 22 ans, et représentant un montant de 1,68 milliard de dollars, a été commenté en Israël comme devant servir les intérêts d’Israël et de la Grèce. Côté grec, le gouvernement se fait plus discret : alors que le pays s’apprête à commémorer les 200 ans du début de la guerre d’indépendance, cette cession d’une partie de la défense nationale à une société privée, organisée par un gouvernement qui se croit encore dans les années Thatcher, risque de faire grincer des dents même à droite, certains se demandant ce qui se passerait si l’État d’Israël se tournait vers l’entente avec la Turquie, comme il l’a tenté il y a quelques années !
De Papandreou à Mitsotakis
En fait, cet accord s’inscrit dans un long processus, différentes ententes étant intervenues ces dernières années entre les deux États, dans le cadre du renforcement réciproque des deux impérialismes. Dans les années 1980, le Premier ministre (PASOK) Andreas Papandreou affiche son soutien au peuple palestinien. La situation évoluera assez vite avec le retour de la droite, qui avec différents accords se rapproche de l’État d’Israël au détriment des Palestiniens.
Mais la grande accélération est venue… avec Syriza au gouvernement : alors que des militantEs Syriza participent en 2010 à la flottille pour Gaza, que le programme de Syriza réclamait la fin des accords militaires, dès janvier 2015 le gouvernement Tsipras insiste sur l’importance stratégique du renforcement de la coopération bilatérale. Et, à l’été 2015, un important traité militaire est signé entre les deux États. L’étape suivante, c’est la visite de Tsipras en Israël en novembre 2015, qui affirme son « immense honneur de se trouver dans votre capitale historique »… à savoir Jérusalem ! Et ce que Tsipras prépare, c’est aussi un accord pour la mise en place d’un gazoduc apportant en Europe du gaz israélien, chypriote et grec, prémisses du conflit régional actuel avec la Turquie, tout cela se traitant dès le départ sans aucune considération écologique. La voie est tracée, et Mitsotakis, Premier ministre d’une droite extrême (avec des ministres d’extrême droite connus pour leur récent passé antisémite) est considéré par Israël comme un allié sûr, après un discours sur place en 2018 approuvé comme « très sioniste ». Il est passé à la vitesse supérieure, dans le cadre de sa politique ultra-libérale, avec face à l’impérialisme turc la mise sur pied d’un axe militaro-industriel aussi peu progressiste et très agressif, avec Israël et l’Egypte.
Dénoncer cet accord
Les réactions sont bien faibles pour l’instant, peu ont dénoncé cet accord : le KKE (PC grec), NAR, un conseiller régional Syriza... Il est urgent d’engager une campagne contre tous les dangers dudit accord : la privatisation de l’État vendant même des secteurs stratégiques ; le renforcement de l’impérialisme porteur de guerres : un tel centre militaire régional, qui accueillerait aussi des pilotes de très réactionnaires monarchies arabes, ne peut qu’être compris comme formant des militaires qui s’en prendront demain aux peuples de la région. Et bien sûr, cet accord est une agression économique qui s’ajoute à celle du budget militaire en augmentation de 60 % – sans oublier l’achat de Rafales pour environ 2 milliards d’euros. Pendant ce temps, le secteur de la santé publique a perdu en un an 2 250 travailleurEs ! Sur tous les plans, les travailleurEs, les retraitéEs et les jeunes ont tout à perdre d’un tel accord et de façon générale, du militarisme et du nationalisme croissants.