Publié le Jeudi 27 février 2014 à 09h18.

Merkel-Hollande : libéraux et impérialistes

Tout juste reconduite pour un 3e mandat à la chancellerie allemande, Angela Merkel était à Paris le 19 février où se tenait le 16e conseil des ministres franco-allemand. L’occasion pour Merkel et Hollande de rappeler leur « horizon commun », leurs « convergences » libérales et impérialistes pour « amorcer maintenant une nouvelle étape » dont ils ont bien du mal à définir le contenu…

Manœuvres des grandes puissancesLa seule décision pratique de ce sommet, un « symbole fort », pas seulement « symbolique », a été l’officialisation du déploiement d’ici juin d’un contingent de quelque 250 soldats de la brigade franco­-allemande au Mali. Merkel a souhaité « davantage de convergences » dans la coopération militaire au Mali et en Centrafrique. Pour François Hollande, « ce n’est pas une initiative bilatérale mais bien européenne », certes, mais une initiative militariste de l’Europe des grandes puissances où l’Allemagne n’entend pas laisser le terrain à la France.Vis-à-vis de la crise ukrainienne, les grandes déclarations sont un écran de fumée pour masquer les responsabilités de l’Union européenne. « La chancelière et moi-même, avec nos deux gouvernements, nous avons condamné tous ces actes et la répression venant du pouvoir », a déclaré le président Hollande. « Notre premier appel, c’est que ça cesse et que le calme, la sérénité, l’apaisement puissent être de retour.[…] Nous voulons, l’Allemagne et la France, et tous les Européens sont animés de la même volonté, permettre à l’Ukraine de connaître sa transition politique vers de nouvelles élections et un rassemblement.[…] L’Europe est toujours disponible pour l’accord d’association qui a été proposé à Vilnius », a ajouté Hollande. Cette langue de bois esquive leurs responsabilités dans la crise ukrainienne où la population, ses aspirations sociales et démocratiques, sont étouffées par la répression sanglante et les forces réactionnaires, par les luttes d’influences entre la Russie et l’UE aux conséquences dramatiques.

« Airbus de l’énergie », taxe financière et baratin…« Nous n’avons pas fait nécessairement les mêmes choix depuis des années. Et pourtant nous sommes en total accord »... Ces étranges propos d’Angela Merkel illustrent le vide du projet de « l’Airbus de l’énergie » avancé par Hollande imaginant « une grande entreprise franco­-allemande pour la transition énergétique » comme le fut Airbus à la fin des années 60 pour l’aéronautique… Même genre de baratin sur la taxe sur les transactions financières qui devait intervenir d’ici les élections européennes. « Je préfère une taxe imparfaite à pas de taxe du tout » dixit Hollande soutenu par Merkel, « si les choses bougent, certains pays pourraient perdre leurs réticences », mais rien n’est fait et la finance n’a pas de raison de s’inquiéter… Même baratin encore sur « la structure de taxation des entreprises » et l’harmonisation des fiscalités.

Et un message inquiétantGrand sujet de satisfaction bilatérale, Angela Merkel a accepté de venir en France le 6 juin prochain pour le 70e anniversaire du Débarquement. Elle sera au côté de la reine Élisabeth II et d’Obama. Pour Hollande, voilà « un beau message » correspondant « à l’esprit de l’amitié franco-allemande ». Un beau message pour une cérémonie célébrée à la gloire de la perpétuation de la domination sur le monde des USA et de leurs alliés européens, à travers le traité de libre-échange transatlantique en négociation...Libéralisme et impérialisme se combinent pour offrir des « marchés » d’exportation aux grandes firmes, en éliminant toutes les barrières douanières et surtout en harmonisant vers le bas toutes les règles du commerce et les normes sociales, sanitaires, alimentaires ou environnementales. Un « marché unique transatlantique » qui voudrait permettre aux puissances occidentales de perpétuer leur domination face aux pays émergents comme le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud ou l’Indonésie.Le marché capitaliste, la libre concurrence, avec le militarisme et l’Otan comme complément pour soumettre les peuples. Cette Europe, leur Europe, nous n’en voulons pas. L’avenir est à la coopération et à la solidarité des peuples.Yvan Lemaitre