Publié le Mardi 31 mars 2020 à 17h22.

Mort d’une magnifique figure de la gauche antifasciste grecque, Manolis Glezos

La mort de Manolis Glezos était attendue : depuis l’automne dernier, la santé de ce formidable militant de toutes les justes causes s’était fragilisée et ses 98 années de résistance ne suffisaient plus face à l’épuisement de l’organisme.

Un combattant antinazi

Pourtant, cette mort, intervenant qui plus est dans une période où l’immense hommage populaire attendu ne peut lui être aujourd’hui rendu, a quelque chose d’injuste : Manolis le résistant anti-nazi qui arracha le drapeau nazi de l’Acropole avec son camarade Santas n’aura pas pu voir envoyée en prison toute la clique des assassins de Chryssi Avgi (Aube Dorée), le procès de ces nazis nostalgiques d’Hitler a pris un énorme retard du fait des prétextes des accusés pour susciter des ajournements. Il n’a pas pu non plus connaître l’épilogue d’un combat qui lui tenait à cœur : voir verser les réparations de guerre dues par l’Allemagne à la Grèce, un des pays les plus ravagés par la barbarie nazie, cause des centaines de milliers de mort de l’hiver 1941, des massacres de petites villes et villages, les horreurs les plus terribles étant celles des massacres de Kalavryta et de Distomo, équivalents pour la Grèce au massacre d’Oradour sur Glane, des convois de dizaines de milliers de juifs vers les camps de la mort. Face à l’acharnement du ministre allemand Schaüble à vouloir réduire la Grèce jusqu’au fond de la misère, Glezos avait alors rappelé l’incroyable cadeau offert par le capitalisme à l’économie allemande à genoux pour se reconstruire aux dépens de la Grèce martyre : la dette d’alors représentait une bonne partie de l’endettement infligé récemment à la Grèce des memorandums et de la troïka. Glezos n’a jamais abandonné ce combat face à l’impérialisme allemand qui était soutenu par toute la bourgeoisie européenne, française et grecque notamment.

Un combattant des injustices sociales

Mais le plus triste, c’est certainement que Manolis Glezos n’aura pas pu voir ce qui correspondait à l’engagement de toute sa vie, pour lequel il aura payé en termes de multiples arrestations, exils et même condamnation à mort – De Gaulle était intervenu en faveur du « premier partisan » de l’Europe. Car la vie de Glezos, c’est une bataille constante pour le socialisme, contre toutes les injustices sociales, pour le progrès, ce qui l’a amené à militer dans le KKE (PC grec), aux côtés du Pasok (PS grec), à Syriza, et à chaque fois, à quitter ces partis quand il jugeait qu’ils abandonnaient l’idéal socialiste ou même progressiste. Toutefois, loin d’avoir fait de lui un esprit chagrin, cette trajectoire a fortifié l’infatigable résistant dans un optimisme sans illusion, et surtout dans une ouverture d’esprit qui fait de Glezos une figure bien rare en Grèce chez les dirigeantEs de la gauche : un militant opposé à tout sectarisme, qui pouvait discuter aussi bien avec ses anciens camarades du Pasok qu’avec notre camarade Yannis Felekis. Dans la situation actuelle de la gauche grecque, qui se cherche après le traumatisme de l’expérience Syriza et de l’incapacité de la gauche anticapitaliste à peser à gauche, ce sont des traits politiques de premier ordre, indépendamment de tout désaccord qu’on pouvait avoir avec Manolis Glezos sur ses engagements partidaires.

Un combattant écosocialiste

Et ce qu’il faudra retenir aussi de cette figure rayonnante de la gauche, c’est aussi sa volonté quasiment écosocialiste avant l’heure de refuser la très polluante hyperconcentration athénienne de la vie administrative et culturelle. Longtemps maire du bourg rocheux d’Apeiranthos, isolé sur la côte est de l’ile de Naxos, il avait fait en sorte que s’y développe une vie associative (association de femmes produisant et vendant leurs productions artisanales) et culturelle, avec entre autres réalisations un musée géologique et un musée d’histoire naturelle créé en 1996 et dont le message était déjà de tout faire pour préserver la faune et la flore contre la barbarie du profit.

Comme le proclame l’hommage du regroupement Synantisi (Rencontre pour une gauche anticapitaliste et internationaliste) à ce vieux camarade resté si simple et si énergique après une vie militante aussi intense : « Bon voyage, camarade Manolis, tu nous quittes comme tu as vécu, debout ! Tu seras toujours vivant dans nos cœurs et nos combats! »