En organisant un attentat contre Goodluck Jonathan, le président du Nigeria, la secte Boko Haram veut montrer qu’elle compte peser de tout son poids lors des élections présidentielles finalement repoussées au 28 mars.
Les élections nationales ont toujours été une source de violence dans ce pays. Les politiciens de tous bords n’hésitent pas à utiliser des voyous et hommes de main pour s’attaquer à leur adversaire, perturber les réunions publiques et faire pression sur les électeurs. Ainsi, à l’issue des élections de 2011, des émeutes avaient éclaté dans le nord du pays, provoquées par des militants déçus de la défaite de leur candidat. Plus d’un millier de morts avaient été dénombrés.
La campagne électorale est évidemment marquée par les victoires militaires dans le nord du pays du groupe islamiste Boko Haram, qui conquiert villages et villes avec une extrême violence, massacrant population civile et détruisant les infrastructures et les bâtiments des cités. En contrôlant des larges parts des trois États du pays, Borno, Yobe et Adamawa, le scrutin risque d’être perturbé. En effet, Boko Haram considère les élections comme contraires à l’islam. Ce sont donc plusieurs millions de personnes qui risquent de ne pas pouvoir voter.
La légitimité de ces élections est donc posée et les deux principaux candidats, les mêmes que ceux de 2011, le président sortant Goodluck Jonathan – chrétien issu du sud – et l’ancien dictateur Muhammadu Buhari – musulman issu du nord – risquent de s’en servir pour contester la victoire de son adversaire. D’autant que ce n’est pas le seul problème qui se pose pour ces élections puisque la moitié des cartes biométriques n’a pas été distribuée à la population.
Chacun des camps affirme avec force qu’il n’acceptera pas la victoire du camp opposé... Ainsi « Les militants armés qui ont fait régner la violence dans la région du Delta du Niger(…) menacent de reprendre les armes si le président sortant Goodluck Jonathan(…) n’est pas réélu » .
Contre-offensive des pays africains
Boko Haram a mis en lumière l’inefficiente criminelle des dirigeants de l’État fédéral qui considèrent les attaques de la secte islamique comme secondaires, ainsi que le degré de corruption du pays, et plus particulièrement celui de son armée. Les piètres performances des troupes nigérianes s’expliquent par les carences en logistique, en armement et munitions. En effet, les officiers supérieurs sont plus préoccupés par la gestion de leur patrimoine que par la stratégie contre Boko Haram.
La fuite en avant de la secte islamiste, qui a attaqué le nord du Cameroun menaçant ainsi les intérêts économiques du Tchad, a poussé ce pays à intervenir, d’abord en aide aux troupes camerounaises, puis en exerçant leur droit de poursuite sur le territoire nigérian. C’est ainsi que la ville de Gamboru a pu être reprise après un intense bombardement aérien.
Si ces victoires militaires sont les bienvenues, elles ne règlent pas les problèmes du pays : une classe dirigeante prédatrice qui a détruit la majeure partie du tissu économique et l’agriculture vivrière au seul profit du pétrole dont la baisse des cours se répercute sur le niveau de vie des populations ; l’absence de développement harmonieux entre le nord et le sud ; et des politiciens qui, pour maintenir leur pouvoir, attisent les violences inter-religieuses et intercommunautaires, offrant ainsi un terrain de prédilection à Boko Haram.
Paul Martial