Publié le Samedi 7 septembre 2024 à 08h00.

Nigeria, résistance et auto-organisation

En décrétant dix jours de mobilisation au mois d’août, la jeunesse nigériane a tracé la voie de la résistance contre la politique libérale de la présidence.

Quelques mois après le Kenya, c’est au tour du Nigeria d’être secoué par des mobilisations sociales qui se sont déroulées au début du mois d’août et devraient reprendre dès le 1er octobre selon les organisateurs. En cause, la politique économique du président Bola Tinubu.

Une politique contre les pauvres

Tinubu, pour bénéficier de nouveaux prêts des institutions financières internationales, s’est conformé à leurs diktats. Il a suspendu les subventions de l’essence et libéralisé la monnaie nationale, le Naira, qui a perdu près de 70 % de sa valeur.

Les conséquences pour le pouvoir d’achat des populations ont été désastreuses. L’inflation est montée en flèche atteignant les 34 % et plus de 40 % sur les denrées alimentaires. La croissance du salaire minimum, concédée par le gouvernement, a été dissipée par les augmentations des prix dans un pays avec un fort taux de pauvreté notamment dans les régions du nord. Ainsi dans l’État du Sokoto, 91 % de la population est en deçà du seuil de pauvreté. Ce n’est donc pas un hasard si les mobilisations ont été les plus puissantes dans ces régions.

Une jeunesse à l’avant-garde

Dès le mois de mars, les deux principales organisations syndicales du pays avaient projeté d’organiser une grève générale, annulée au dernier moment. C’est donc la jeunesse qui a organisé la riposte sur les réseaux sociaux, cette dernière étant particulièrement touchée par la crise. Sous l’hashtag DaysOfRage (Jours de colère), puis ensuite EndBadGovernance (Stop à la mauvaise gouvernance), des manifestations se sont déroulées dans l’entièreté du pays. Le pouvoir n’a eu de cesse de tenter de torpiller cette mobilisation à l’aide des dignitaires religieux, chrétiens et musulmans, et autres élites du pays. Les autorités ont aussi tenté de jouer sur les divisions ethniques, en vain, et ont usé d’une féroce répression. La police a tiré à balles réelles contre les manifestantEs tuant près de 40 personnes, et des centaines d’autres ont été arrêtées.

La nécessité d’un tous ensemble

Au-delà des mesures iniques prises par Tinubu, c’est tout un système qui est remis en cause, comme le souligne Damilare Adenola, dirigeant du mouvement « Take It Back » qui a joué un rôle important dans cette mobilisation : « Nous voulons un changement du système, nous voulons que les agences gouvernementales servent les intérêts de la population ». Aujourd’hui, on en est loin comme en témoigne la dépense de 100 millions de dollars pour l’achat d’un avion présidentiel.

Face à un Bola Tinubu prêt à en découdre avec le mouvement social, les organisations syndicales devraient soutenir l’appel à reprendre la mobilisation le 1er octobre. D’autant qu’elles aussi sont dans le viseur. En effet, la police a convoqué Joe Ajaero, le dirigeant du Nigerian Labour Congress, pour une accusation de complot criminel et de financement du terrorisme. 

Paul Martial