« Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre cœur n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire. » E. Che Guevara
Plus de trois mois ont passé depuis le 7 octobre, et la situation ne peut pas être plus édifiante : 30 000 Palestien·nes dont un tiers d’enfants ont été tué·es par les multiples bombardements, et les conditions sanitaires sont plus que déplorables, inhumaines. La situation est telle que des dizaines d’expert·es de l’ONU ont qualifié la situation humanitaire à Gaza d’« apocalyptique », mettant en garde contre un « génocide en devenir », tout comme des centaines de spécialistes du droit international ainsi que des ONG.
L’Afrique du Sud a ainsi porté plainte en décembre dernier auprès de la Cour Internationale de Justice. Les audiences viennent de se terminer et la CIJ devra statuer, en procédure d’urgence, d’ici quelques semaines. Et comme l’explique très bien Gilles Devers, avocat et fervent défenseur des droits des Palestinien·nes, les faits n’ont été qu’en se clarifiant au fur et à mesure des semaines et des nouvelles atrocités commises. Un processus de génocide peut se définir d’abord par la volonté de destruction des conditions d’existence d’un peuple, notamment les infrastructures permettant de vivre et de survivre (eau, gaz, chauffage, soins médicaux, etc). Un autre aspect du processus génocidaire consiste en l’élimination physique d’un peuple : le nombre de mort·es (sans compter les disparu·es) depuis trois mois correspond à plus de 1,3 % de la population palestinienne. Pour donner une dimension plus réelle à ce chiffre, comparons avec la France. Cela représenterait, ici, près de 900 000 tué·es dont 300 000 enfants…
Nous risquons d’assister aujourd’hui à l’écrasement définitif des Palestinien·nes. L’expulsion des Gazaouis est quasiment réalisée, la colonisation s’est accentuée en Cisjordanie et pourrait s’accélérer. Les confrontations au sud du Liban, l’assassinat israélien d’un chef du Hamas à Beyrouth, les frappes américaines et britanniques au Yémen font craindre une régionalisation de la guerre. Cette menace donne une dimension concrète aux prévisions israélienne et française d’une guerre qui durerait dix ans…
Et pendant ce temps-là ?
La mobilisation en France est restée faible en 2023 : la participation aux manifestations n’a jamais approché celle du Royaume-Uni ou d’autres grandes capitales. En effet, nous avons d’abord subi la répression : la progression des idées sionistes en France a conduit à redéfinir l’arc républicain, incluant l’extrême droite et excluant La France insoumise, l’extrême gauche et les organisations décoloniales.
En 2024 semble se confirmer l’essoufflement du mouvement de solidarité amorcé début décembre. Oui, les manifestations de ce début janvier ont été honorables, mais le nombre de manifestant·es faiblit nettement en comparaison des premières semaines de cette guerre génocidaire : quelques dizaines de milliers de personnes seulement dans les rues de France ce samedi 13 janvier. À Paris, La France Insoumise était aux abonnés absents…
Pourtant cette année, nous devons réussir là où nous avons échoué en 2023 : construire un mouvement de solidarité unifiant les organisations du mouvement ouvrier français et les voix palestiniennes, capable d’informer sur la réalité du génocide en cours et l’accélération du processus colonial, d’organiser une solidarité concrète avec les réfugié·es, de mobiliser massivement dans la rue pour montrer cette solidarité et exercer une pression, et enfin d’impacter économiquement et politiquement toutes celles et ceux qui participent au processus colonial en s’inspirant de la campagne BDS.
Pour cela, le mouvement de solidarité doit réussir à dépasser les clivages qui ont prévalu avant le 7 octobre. Qui peut croire à une solution à deux États quand nous assistons à un génocide et à un écrasement total ? Qui peut faire de la condamnation du Hamas un préalable à la solidarité avec celles et ceux qui sont en train de se faire massacrer ?
Il est temps d’agir. La priorité absolue de tou·tes les militant·es de gauche devrait être de changer les choses en Palestine. Construire des collectifs locaux, permettant à toutes les organisations d’agir ensemble, mais surtout permettant à des milliers de personnes, prêtes à s’engager dans l’action, de s’y associer, comme dans tout mouvement de masse dans lequel on organise des assemblées générales, des manifestations, des actions tous les jours, on dégage des moyens pour diffuser des tracts, des affiches, louer des camions sono, produire des vidéos, etc. C’est ce que tente de faire aujourd’hui Urgence Palestine. C’est ce que toute la gauche – ses militant·es comme ses organisations – doit faire au plus vite. C’est ce que nous devons faire, sinon il ne restera que la honte et la mort, et on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.