Réduire le génocide à une seule accumulation de morts humaines est insuffisant : le colonialisme porte en lui un projet génocidaire qui comporte aussi une dimension écocidaire. L’écocide, c’est la destruction intentionnelle des écosystèmes : dévastation et contamination des terres agricoles, accaparement des ressources vivrières, extractivisme, contamination de l’eau.
Les attaques de colons contre la récolte d’olives ont par exemple été d’une violence particulière cette année. Mais l’arrachage systématique d’arbres est une pratique ancienne : entre 800 000 et un million d’oliviers ont été détruits depuis 1967. Symbole du lien ancestral des PalestinienNEs à leur terre, l’olivier est central pour l’économie locale.
Israël détruit et pollue les terres
Israël utilise aussi des herbicides comme armes de guerre. Comme l’agent orange au Vietnam ou le chlordécone aux Antilles, les herbicides employés par l’armée israélienne contaminent durablement les sols. Depuis 2014, l’épandage aérien, notamment de glyphosate, s’ajoute au rasage au bulldozer des terres à Gaza pour « améliorer la visibilité » des opérations, c’est-à-dire exposer la population aux tirs.
Human Rights Watch a confirmé en 2023 l’usage par Israël de munitions au phosphore blanc à Gaza et au Liban, provoquant des brûlures profondes et durables.
L’État colonial israélien utilise la destruction écologique comme arme de contrôle et de dépossession. Dès le début du 20e siècle, le KKL (Fonds National Juif) a servi d’outil colonial. Aujourd’hui encore, il justifie l’accaparement de terres palestiniennes au nom de la « protection de la nature ». Ce greenwashing est largement utilisé pour faire passer l’État colonial pour le protecteur de la terre palestinienne. Plus de 223 millions d’arbres ont été plantés, souvent des conifères non endémiques, provoquant notamment l’incendie massif de 2016 autour d’Haïfa.
L’accaparement des ressources vitales
Après 1967, Israël s’est approprié les principales sources d’eau douce, interdisant aux PalestinienNEs la construction de puits sans autorisation. Les accords d’Oslo II ont validé cette mainmise : 80 % de l’eau de Cisjordanie est contrôlée par Israël, via Mekorot, qui la revend quatre fois plus cher aux PalestinienNEs. On parle ainsi d’apartheid de l’eau. L’Union européenne continue pourtant de financer cette compagnie.
À Gaza, la situation est catastrophique : avant 2023, les ressources renouvelables ne couvraient que la moitié des besoins des 2 millions d’habitantEs ; cette surexploitation des réserves en eau potable a entraîné leur invasion par les eaux salées de la mer. L’eau de Gaza est donc très polluée. Depuis la guerre coloniale de 2008-2009, Israël a systématiquement visé les stations d’assainissement de l’eau. Aujourd’hui, il n’y a plus d’eau potable à Gaza.
L’assèchement de la mer Morte est également le résultat de décennies de captation du Jourdain et du lac de Tibériade par l’État colonial, combinée à l’extraction intensive de sels. Au nord, des zones entières sont asséchées ; au sud, les eaux montent.
Israël manifeste aussi son intérêt pour les gisements gaziers au large de Gaza, dans une logique impériale analysée par Andreas Malm. Malm rejette l’idée selon laquelle le soutien des États-Unis et de l’Europe à Israël serait uniquement dû à l’influence d’un puissant lobby. Il y voit plutôt la volonté des puissances occidentales de maintenir un « ordre fossile » régional, où Israël joue un rôle stratégique de poste avancé de l’impérialisme occidental, soucieux de stabiliser un système sécuritaire et pétrolier.
L’écologie politique doit être décoloniale
La violence coloniale inclut toujours une violence écologique, aux effets durables. Une écologie politique ne peut exister sous colonialisme, car celui-ci repose sur la prédation et le contrôle des écosystèmes au détriment des êtres humains et non humains.
L’écologie politique doit être décoloniale. Depuis nos centres impérialistes, nous devons soutenir les luttes anticoloniales des peuples en quête d’autodétermination — en Palestine, en Kanaky comme ailleurs.
Aucune justice environnementale n’est possible sans libération de la Palestine, de la mer au Jourdain.
An Gwesped et Monira Moon