Les derniers événements au Portugal ont mis à nu les véritables rapports démocratiques et politiques et souligné la fragilité du gouvernement.Vitor Gaspar, ministre des Finances (et haut fonctionnaire officiellement en congé de la BCE), a remis sa démission pour la troisième fois consécutive, prétextant notamment du peu de moyens qui étaient les siens pour mettre en œuvre les réformes demandées par la troïka. Le Premier ministre, Passos Coelho, nomme alors à sa place Maria Luis Albuquerque, secrétaire d'état au trésor, confrontée depuis des mois à un énorme scandale en raison de son implication dans des opérations financières toxiques.Le jour suivant, nouvelle bombe : Paulo Portas, ministre des Affaires étrangères, qui devait présenter un plan de 4,7 milliards d'euros de réduction des dépenses sociales, et qui défendait l'idée d'assouplir la politique promue par Vitor Gaspar de « l'austérité à tout prix », remettait sa démission au Premier ministre. Barroso réagit alors en soulignant la nécessité de poursuivre les réformes.Plus tard, le Premier ministre Coelho s'adressait au pays et annonçait qu'il ne démissionnerait pas et qu'il refusait de même le départ de Portas.
Les pantins de la troïkaAvec l’aggravation du krach boursier et l’augmentation de la dette publique, les signaux d'alarme ont retenti partout dans le secteur bancaire et les milieux bourgeois. Une campagne de peur a été orchestrée, annonçant l'imminence d'un deuxième plan de sauvetage.Avec un taux de chômage officiellement de 17,6 % (25 % en réalité), un déficit budgétaire passé de 7,1 % en 2012 à 10,6 % du PIB, la dette publique prévue fin 2013 est de 138 % du PIB, un record. Et la récession (- 3,2 % fin 2012) s’aggrave avec - 3,9 % au premier trimestre. L'austérité est en train de détruire l'économie.Après plusieurs réunions pour tenter de sauver une coalition moribonde, les partis de la coalition se sont rencontré dans un hôtel à Lisbonne. Le Premier ministre a tenu une conférence de presse. Debout et silencieux à ses côtés, Portas est devenu vice-Premier ministre... cinq jours après avoir démissionné. La ministre récemment nommée aux finances garde son poste et est même promue ministre d’État. António Pires de Lima, homme d'affaires, est nommé ministre de l'Économie. L'accord devait être soumis au président de la République.En quittant l'hôtel, les voitures officielles, cernées par des manifestants, furent obligées de s'enfuir à contre-sens sous la protection de la police.
Antisocial et antidémocratiqueLe hold-up démocratique surréaliste de la troïka se déroule sous les yeux de la population pour qui l’illégitimité d’un gouvernement moribond, rafistolé comme le monstre de Frankenstein, est une évidence.Bruxelles et Berlin avaient tous deux donné leur accord au remaniement proposé par la coalition CDS-PSD. Le président de la République a cependant proposé, dans la nuit du 10 juillet, un gouvernement d’union nationale des trois partis qui soutiennent le mémorandum de la troïka (incluant le PS actuellement dans l'opposition) autour de trois points : un calendrier pour de futures élections, l'engagement de soutenir le programme de la troïka et de garantir le paiement de la dette, et le soutien de ces trois partis au futur gouvernement issu des urnes, afin de lui garantir une majorité absolue permettant non seulement le remboursement de la dette publique et un contrôle serré des comptes publics, mais aussi la poursuite de l'austérité au-delà même du plan de la troïka.Le PS a déjà dit qu'il ne soutiendrait qu'un gouvernement issu des urnes. L'exclusion d’emblée des partis représentés au Parlement qui ne soutiennent pas la troïka – Bloc de gauche et PC – en dit long sur le mépris du président pour une démocratie qui se réduit à la sphère des partisans de la troïka. La crise politique est loin d'être terminée et le jeu de marionnettes de la troïka ne fait sans doute que commencer.
De Lisbonne, João Camargo (1)(traduit par Raymond Adams)1- Militant d'une association de travailleurs précaires et militant anti-troïka.