Les élections en République démocratique du Congo viennent de se terminer sur la « victoire » de l’opposant Felix Tshisekedi. Cela n’annonce pas de changement. En effet, pour le président Kabila, perdre les élections ne signifie pas perdre le pouvoir mais, tout au plus, le partager.
Dès le début du processus électoral, Joseph Kabila, aux affaires depuis 2001, a tenté maintes manœuvres pour conserver le pouvoir. Il n’a pas pu, comme beaucoup de ses pairs, modifier la Constitution pour postuler à un troisième mandat, à cause notamment d’un ancrage social faible, d’une opposition divisée mais ayant des bastions dans de nombreuses régions, d’une église puissante et structurée représentée par le Comité permanent de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et enfin de la présence militaire des Nations unies la MONUSCO. Kabila a dû, au bout de deux ans de tergiversations, céder aux pressions et organiser les élections dont on vient de connaître les résultats.
Un contexte électoral particulier
Trois principaux candidats étaient en lice. Le dauphin de Kabila Emmanuel Ramazani Shadary, ancien ministre de l’Intérieur, frappé de sanctions par l’UE pour violations des droits humains, et les deux candidats de l’opposition, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi. Sous l’auspice de la Fondation Kofi Annan, l’ensemble de l’opposition s’était entendue pour désigner un candidat unique, assurant une victoire à l’élection présidentielle qui se joue sur un seul tour. Mais aussitôt que Fayulu a été choisi, Tshisekedi s’est retiré de l’accord et a maintenu sa candidature.
Martin Fayulu est soutenu par deux poids lourds de la politique congolaise : Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Le premier a séjourné à La Haye lors de son procès pour crimes de guerre en Centrafrique. Il a été relâché du fait de l’inefficience de la procureure de la CPI. Le second est un riche homme d’affaires, propriétaire du club de foot « Tout Puissant Mazembe » et ancien gouverneur du Katanga.
Victoire contestée et contestable de Tshisekedi
Avec 38,57 % des voix, Tshisekedi est déclaré vainqueur par la commission électorale, la CENI, devant Martin Fayulu (34,83 %) et Emmanuel Shadary (23,84 %).
Mais déjà beaucoup de voix mettent en doute les résultats du scrutin. En effet, l’église catholique, avec ses 40 000 observateurEs déployés dans tout le pays, a réussi à récolter une grande partie des PV des 76 000 bureaux de vote. Cette source crédible a déclaré que le véritable vainqueur est Martin Fayulu.
Beaucoup pensent que Kabila, dans l’impossibilité de déclarer vainqueur son dauphin Shadary, a passé un accord avec Tshisekedi, portant sur le partage du pouvoir.
Plusieurs faits viennent étayer cette idée, des réunions qui se sont déroulées entre Kabila, Tshisekedi et le responsable de la CENI Corneille Nangaa, la déclaration de Tshisekedi lui-même : « Je rends hommage au président Joseph Kabila. Aujourd’hui, nous ne devons plus le considérer comme un adversaire, mais plutôt comme un partenaire de l’alternance démocratique dans notre pays ». Et enfin, le résultat des élections législatives qui, contre toute logique, donnent la majorité absolue des députés à la coalition de Kabila, lui ouvrant même la possibilité d’une modification de la Constitution. La seule façon de lever les doutes serait la publication des procès-verbaux de tous les bureaux de vote, comme d’ailleurs le prévoit la loi…
La fausse alternance politique qui est en train de se mettre en place ne fera que pérenniser la corruption, l’accaparement des richesses du pays et les violations des droits humains.
La répression qui s’abat déjà sur les manifestantEs – on compte plusieurs morts – rend Tshisekedi plus dépendant de Kabila, qui continue de contrôler les forces répressives du pays.