Le 16 juillet, le Premier ministre britannique David Cameron a présenté un projet de loi qui limiterait encore plus le droit de grève. Pourtant, depuis les violentes attaques des gouvernements Thatcher des années 1980, le Royaume-Uni possède déjà une des législations les plus draconiennes d’Europe.
Aujourd’hui, la loi impose un vote à bulletin secret par la poste, l’obligation d’obtenir au moins 50 % des votants pour la grève et un préavis de grève 7 jours à l’avance. Introduite par les conservateurs, cette loi n’a jamais été abrogée par les gouvernements travaillistes de Blair ou de Brown.
Dans le nouveau projet de loi, pour qu’une grève soit déclarée légale, la participation au vote devrait atteindre 50 %, et pour les services publics (transports, santé, éducation…), au moins 40 % de l’ensemble des syndiquéEs concernés devrait voter en faveur de la grève. L’appel à la grève devrait être annoncé 14 jours à l’avance, ce qui permettrait entre-temps aux patrons de faire pression sur les salariéEs mais aussi de profiter d’une autre clause de la loi qui leur permettrait de s’adresser aux agences d’intérim pour remplacer les grévistes... Enfin, les infractions aux lois sur les piquets de grève relèveraient du pénal !
Une dernière proposition concerne le financement du Parti travailliste. Aujourd’hui, la plupart des syndicats versent une partie des cotisations de leurs adhérents au Parti travailliste qui reçoit ainsi 50 millions d’euros, sa première source de financement. Les conservateurs souhaiteraient diminuer fortement cette somme.
L’opposition travailliste convertie au social-libéralisme, les directions syndicales pour la plupart très timorées et seulement 700 000 journées de grève l’an dernier (13 millions dans les années 1970). Alors pourquoi cette nouvelle loi ? Défense des « familles qui travaillent » et des « usagers », dit Cameron. Quelle hypocrisie de la part du premier casseur des services publics ces dernières années ! Quant au seuil des 40 %, argument démocratique, fallait-il l’appliquer aux dernières élections où les conservateurs ont été élus avec seulement 25 % des inscrits ?
La riposte
Les vraies raisons se trouvent dans la concurrence toujours plus exacerbée qui oblige chaque puissance capitaliste à grignoter encore plus les acquis sociaux. Le chiffre de 13 millions de syndiqués en 1980 a certes fondu mais il y en a encore 6,5 millions, et dans un sondage récent, 80 % de la population estimaient que « les syndicats sont essentiels pour la protection des intérêts des travailleurs ». La nouvelle loi est en quelque sorte une frappe préventive pour de nouvelles attaques.
Samedi 20 juin, à l’appel du People’s Assembly, un regroupement de syndicats et de forces politiques à gauche du Parti travailliste, jusqu’à 250 000 personnes ont manifesté contre l’austérité et le gouvernement. Le 9 juillet, les travailleurs du métro de Londres ont fait grève dans l’unité contre les conditions de l’introduction d’un service de nuit à l’automne. Tous les syndicats et toutes les catégories du métro ont arrêté le travail, aucun train n’a roulé, et pas une seule station n’a ouvert ses grilles. Du jamais vu depuis au moins 1989, peut-être depuis la grande grève générale de 1926 ! Les médias français ont répété la rengaine des « usagers exaspérés ou en colère », mais sur place, surtout dans les quartiers populaires, la majorité des usagers soutenait la grève.
Comme la troïka avec le peuple grec, Cameron et les siens ne se satisfont pas d’obliger le mouvement ouvrier à mettre un genou par terre, et veulent le mettre KO afin de laisser la voie libre à toutes les contre-réformes dont ils rêvent. Pas sûr que les travailleurs britanniques se laissent faire.
Ross Harrold