Le 7 avril 1994 débutait au Rwanda le génocide des Tutsi, organisé méthodiquement par des extrémistes hutus issus du cœur du régime, et qui allait faire plus d’un million de morts en trois mois. L’armée française était sur place, soutien de ce régime jusqu’au bout. Et seule l’armée du FPR tutsi a pu mettre fin à un massacre dont les racines idéologiques avaient été semées depuis des dizaines d’années par les colonisateurs belges et français.
C’était il y a 20 ans. Après un tel crime contre l’humanité, le peuple rwandais cherche à se reconstruire un avenir, dans la justice et dans le travail de mémoire nécessaires. Et pour cela il mérite la pleine solidarité de tous les peuples du monde, pour imposer « Plus jamais ça ! ». Mais ici, nous devons beaucoup plus. Car c’est en notre nom que l’appareil d’État français a commis un crime impardonnable. Il a été complice des assassins, avant, pendant et après le génocide. Et il tente, encore maintenant, de le masquer avec la dernière énergie. Le refus des plus hautes autorités de l’État de participer cette année aux commémorations appelées par les victimes du génocide, au nom de la négation de la réalité, est une honte.
Le gouvernement de cohabitation droite-gauche de l’époque, le président Mitterrand, le Premier ministre Balladur, l’état-major de l’armée, tous savaient. Mais pour eux, rien n’était plus important que la lutte contre le FPR dirigé par Paul Kagamé, ni que les rivalités impérialistes en Afrique avec les États-Unis et la Grande Bretagne ! Et depuis, tous les dirigeants de l’État se couvrent, quelquefois même avec des relents racistes.
Les témoignages s’accumulent pourtant pour décrire une armée française formant, armant, payant les génocidaires, y compris pendant le massacre, les aidant à s’échapper ensuite, tout en prétendant face au monde conduire une intervention « humanitaire ». La justice française commence seulement à chercher ceux qui ont abattu l’avion du président rwandais Habyarimana, donnant le signal du massacre. C’est sous pression qu’elle commence à poursuivre les planificateurs du génocide, tranquillement réfugiés en France depuis 20 ans. Avec les victimes, nous devons obtenir beaucoup plus : les archives françaises sur cette période doivent être déclassifiées, et les complices français du génocide, crime imprescriptible, doivent être jugés et condamnés !
Jacques Babel