Le récent dénouement heureux des otages au Sahel, dont le Niger a été un acteur important, ne doit pas nous faire oublier que la plupart des journalistes pris en otage sont des locaux travaillant dans des conditions précaires qui augmentent leur vulnérabilité.
La libération d’Olivier Dubois est une très bonne nouvelle, pour lui et ses proches évidemment, mais aussi pour le droit à l’information. Enlevé au Mali en avril 2021 en tentant d’interviewer d’Abdallah Ag Albakaye, un des dirigeants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), Olivier Dubois a passé près de deux années dans les geôles islamistes. Si les conditions de sa libération restent dans l’ombre, certains faits sont désormais connus.
Conditions de la libération
Deux ans de captivité c’est long. Une durée qui peut s’expliquer par l’identification et l’établissement de canaux de discussion, et les pourparlers pour la libération.
Les réseaux traditionnels de la France ont été mis à mal. Par exemple, ceux du Burkina Faso avec notamment Gilbert Diendéré, chef de la sécurité présidentielle de Compaoré, chevalier de la Légion d’honneur française. Il a terminé sa brillante carrière en prison pour tentative de coup d’État et complicité d’assassinat de Thomas Sankara. Quant au Mali, si les contacts ont été pris avec le Haut Conseil islamique malien (HCIM), la profonde détérioration des relations entre la France et la junte a rendu inopérant ce canal.
Mohamed Bazoum, le président nigérien, a compris l’intérêt diplomatique qu’il pouvait tirer de cette situation. Il en a fait une priorité en confiant cette mission à un de ses proches, Rabiou Daddy Gaoh, responsable de la sécurité extérieure. Ce travail a permis la libération d’Olivier Dubois et de l’humanitaire étatsunien Jeffrey Woodke, détenu depuis six ans.
Quelle politique face à la prise d’otage
Les USA et la Grande-Bretagne refusent toute négociation avec les terroristes et tout paiement de rançon. Les USA ont par exemple interdit à la famille du reporter pigiste James Foley de récolter les fonds pour sa libération. Il fut décapité par le groupe État islamique en Syrie. En revanche, la plupart des pays européens acceptent le principe de négociation et de rançon. Concernant la France, cette politique est fortement critiquée au Sahel car jugée à géométrie variable. Lors de l’opération Barkhane, la France s’est toujours opposée aux négociations entre les autorités maliennes et les combattants djihadistes, sauf quand il s’agissait de libérer les otages français.
Pour sortir de ce qui apparaît comme une impasse, entre le refus de négocier avec, à la clef, un risque vital pour les otages, et la négociation et le paiement de rançon, impliquant une reconnaissance politique de fait de ces groupes, certains préconisent l’intervention d’un tiers.
Privatiser la gestion des otages ?
L’idée avancée est que les entreprises qui envoient du personnel dans certains pays soient assurées contre le kidnapping. Outre la responsabilisation des firmes, l’intervention d’un tiers permettrait de décorréler les conditions de libération avec des revendications politiques des groupes ravisseurs.
C’est un peu ce qui s’est passé avec la libération des sept salariéEs d’AREVA pris en otages à Arlit au Niger en 2010. Le bilan n’est guère brillant. Plusieurs réseaux françafricains ont été activés et s’en est suivie une féroce concurrence entre eux pour jouer les intermédiaires et récupérer un pourcentage de la rançon versée, on parlait à l’époque de trente millions d’euros. Conséquence, un cafouillage avec un risque accru pour les prisonniers et probablement une augmentation de la durée de détention pour certains d’entre eux.
Ce qui est sûr, c’est que l’emploi de plus en plus important de pigistes sur les conflits augmente les risques. Souvent ils et elles travaillent sans beaucoup de moyens, parfois même en se passant de fixeurs (personnes de référence qui aident les journalistes sur le terrain) pour diminuer les coûts d’un reportage ou de prises de photos. Comme le souligne Reporters sans frontières, parmi les 54 journalistes, « les trois quarts des otages restent des journalistes locaux, qui travaillent souvent à leur compte dans des conditions précaires et extrêmement risquées ». La rentabilité à outrance fait aussi dans ce secteur des dégâts considérables.