Le jeudi 23 avril, Jair Bolsonaro exprime sa volonté de limoger Mauricio Valeixo, le patron de la Police fédérale (PF) du Brésil. Un problème, parmi d’autres, Mauricio Valeixo est très lié au ministre de la Justice Sérgio Moro. Ce dernier tente de faire plier Bolsonaro mettant dans la balance sa démission. Rien n’y fait. Le vendredi 24 avril le Journal officiel publie le renvoi de Mauricio Valeixo. Sergio Moro, dans la foulée, annonce sa démission. Une nouvelle brèche s’ouvre dans le gouvernement du néofasciste Jair Bolsonaro. Nous publions ci-après l’éditorial d’Esquerda online qui représente une des tendances du PSOL (Parti socialisme et liberté). Le discours [lors de l’annonce de sa démission] de Sérgio Moro a été très révélateur. L’ancien ministre a indiqué que Jair Bolsonaro agissait de manière brutale pour subordonner la Police fédérale (PF) à ses intérêts politiques. Moro a également déclaré que le président voulait avoir accès aux enquêtes et rapports secrets des services de renseignement.
Les accusations de l’ancien juge sont graves et doivent faire l’objet d’une enquête immédiate. Elles s’ajoutent à une longue liste de crimes de responsabilité commis par Bolsonaro. Il y a donc des raisons pour que le Congrès, le STF (Tribunal suprême électoral), le PGR (Procureur général de la République) et le TSE (Tribunal supérieur électoral) ouvrent d’urgence une enquête et une procédure de destitution contre le président milicien (ex-capitaine). À la Chambre des députés, Rodrigo Maia (président de la Chambre des députés depuis juillet 2016) doit se conformer à la demande de mise en accusation.
Le départ de Moro du gouvernement s’explique par deux raisons principales. D’abord, Bolsonaro veut protéger sa famille des enquêtes en cours. Le clan familial est soupçonné d’être lié à l’exécution de Marielle Franco par des miliciens (le 14 mars 2018). La confirmation de l’implication possible de la famille dans l’assassinat de l’ancienne conseillère municipale de Rio de Janeiro, membre du PSOL, a un potentiel explosif. Flávio Bolsonaro, à son tour, fait l’objet d’une enquête sur le système de corruption (la « rachadinha » : la récupération d’une partie des salaires de subordonnés) dans le conseil de la municipalité de Rio de Janeiro. Carlos Bolsonaro est soupçonné, lui, de diriger une « milice numérique » responsable des fausses nouvelles de masse. Il y a aussi l’enquête sur les initiatives bolsonaristes en faveur d’une nouvelle dictature, de la fermeture du Congrès et du STF.
Jair Bolsonaro, en plus de protéger sa propre famille, vise à contrôler la PF afin de la mettre au service de son plan de coup d’État. Sérgio Moro était un allié important de l’extrême droite. À la tête de l’opération Lava Jato, Moro a joué un rôle clé dans le coup d’État parlementaire qui a évincé Dilma Rousseff (PT) en début août 2016, dans l’emprisonnement politique de Lula, qui a ouvert la voie à la victoire électorale de Jair Bolsonaro en octobre 2018 (mandat initié en janvier 2019), et dans le maintien de l’actuel gouvernement néofasciste. Il est probable que, face à l’usure récente de Bolsonaro, Moro a choisi de prendre ses distances avec ce dernier, s’opposant au contrôle direct du président sur la Police fédérale. C’est pourquoi il a démissionné aujourd’hui.
Le départ de Moro n’efface en rien sa biographie politique malfaisante. Elle sera toujours liée à la montée du néofascisme au gouvernement et aux méthodes criminelles de persécution judiciaire et policière révélées par The Intercept Brasil, dans le scandale #VazaJato. Moro a quitté le gouvernement, mais il continuera à faire de la politique, probablement en s’alliant avec la droite qui est en opposition à Bolsonaro.
Alors que le nombre de morts du Covid-19 augmente rapidement, que la crise sociale et économique frappe des dizaines de millions de travailleurs et de travailleuse et que les menaces de coup d’État deviennent plus dangereuses, le renversement du gouvernement est urgent. Bolsonaro est le plus grand allié du virus. La continuité de Bolsonaro à la présidence signifiera une augmentation dramatique des morts, du chômage et de la pauvreté. Chaque jour qu’il reste en plus à la présidence risque de détruire les garanties démocratiques. Par conséquent, afin de sauver des vies, des emplois et des droits démocratiques, ce fasciste doit être écarté de la présidence.
Face à la gravité de la situation, il est essentiel que la gauche s’unisse en un Front unique pour mettre dehors Bolsonaro, en présentant une alternative politique à la classe ouvrière. La gauche ne peut pas être à la remorque de la droite traditionnelle. Nous devons défendre la chute de Bolsonaro et d’Hamilton Mourão (vice-président), ainsi que la convocation anticipée d’élections libres et directes, afin que le peuple, démocratiquement, puisse élire un nouveau gouvernement. Nous ne devons pas faire confiance au commandement des forces armées. Le noyau de généraux du Palais Planalto (de la présidence) soutient Bolsonaro et son projet. Ils sont nostalgiques de la Dictature militaire (1964-1985) et idéologiquement d’extrême droite. Et s’ils rompent avec Bolsonaro, ils continueront à représenter un danger pour les libertés démocratiques.Il est temps d’augmenter la pression. Nous ne pouvons pas encore sortir dans la rue. Mais depuis les fenêtres, nous crierons à tue-tête : « Dehors Bolsonaro ». « Que dégagent Bolsonaro et Mourão ! » « Pour des élections anticipées directes et libres ! » « Sauvons les gens, pas les profits ! » « Non au coup d’État, à la dictature ! »
Editorial d’Esquerda online, publié le 24 avril 2020 ; traduction et introduction sont de la rédaction A l’Encontre