Lundi 10 décembre à Marrakech,150 pays sur les 193 que compte l’ONU ont adopté un texte dans le cadre d’un « pacte mondial des Nations unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. » Celui-ci devrait être adopté le 19 décembre en assemblée générale de l’organisation.
Le « pacte de Marrakech » est avant tout un recensement de principes extrêmement généraux qui sont supposés être partagés par les pays signataires de l’accord : défense des droits humains, des enfants, contre les détentions arbitraires, n’autorisant les arrestations « qu’en dernier recours »… Rien, bien sûr, sur les droits des travailleurEs migrants, rien sur l’aide humanitaire, rien ne s’opposant aux activités de l’agence Frontex ou à l’arraisonnement des bateaux humanitaires en Méditerranée. De plus, comme le rappelait encore le 9 décembre Louise Arbour, représentante spéciale à l’ONU pour les migrations, « ce texte ne crée aucun droit de migrer, il ne place aucune obligation aux États, n’engage que ceux qui veulent s’y plier ».
Déchaînement des nationalismesLes USA s’étaient retirés dès décembre 2017 de l’élaboration du texte, le jugeant contraire à la politique d’immigration de Trump : « Les décisions sur la sécurité des frontières, sur qui est admis à résider légalement ou obtenir la citoyenneté figurent parmi les plus importantes décisions souveraines qu’un pays peut prendre ».À Ottawa plusieurs centaines de militantEs d’extrême droite du mouvement « la Meute » se sont affrontés à la mobilisation des antiracistes.Tentant de profiter de la mobilisation des Gilets jaunes, de l’hétérogénéité du mouvement, les groupes identitaires et les sites d’extrême droite ciblent depuis plusieurs jours le pacte de Marrakech, pour déverser leur poison raciste. Ainsi Riposte laïque feint de craindre que « Macron prépare une déferlante africaine sur la France » et exhorte les Gilets jaunes à « bloquer Macron au sol le 10 décembre » (jour de la signature du pacte). Les Républicains, totalement en phase avec le Rassemblement national, ont cosigné une lettre au président, lui enjoignant de ne pas signer le texte.Mais c’est sans conteste Marine Le Pen qui, dans ce nid de vipères, aura crevé l’écran en tenant meeting samedi dernier à Bruxelles à l’invitation des fascistes du Vlaams Belang, la veille de l’éclatement de la coalition provoquant la chute du gouvernement de Charles Michel. Flanquée de Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, et d’autres représentants du « Mouvement pour l’Europe des nations et des libertés », elle a pu ainsi déverser sa haine antimigrantEs, dénonçant « l’ignominie immigrationniste » et développant la théorie du « grand remplacement » chère à tous les racistes européens.
Construire un mouvement antiraciste européen massif !À l’évidence, le thème central de la prochaine campagne des élections européenne sera celui de l’accueil des migrantEs. Les révolutionnaires et antiracistes ont une responsabilité majeure à organiser un front antiraciste et antifasciste large, seul capable de s’opposer à l’Europe forteresse. On voit déjà dans le mouvement social actuel combien le venin raciste et xénophobe est distillé par des membres de l’extrême droite au sein même du mouvement des Gilets jaunes… D’où l’importance des rassemblements et marches aux flambeaux mardi 18 décembre dans toute la France, à l’appel de plus de 250 organisations, associations, partis et syndicats. Ce sera un premier pas qui devrait permettre de redonner vie à un mouvement antiraciste qui n’a pas été capable d’organiser la riposte contre la loi Asile-immigration adoptée l’été dernier. Ce sera une première étape qui permettra de réactiver les réseaux locaux et construire de nouvelles mobilisations. Nous devons d’ores et déjà préparer en mars la journée internationale contre le racisme pour en faire un jour de riposte de masse. Personne ne le fera à notre place !
Alain Pojolat