Publié le Vendredi 7 juin 2013 à 23h17.

Suède : « explosion » des inégalités

Les récentes émeutes à Stockholm ont peut-être été une surprise à l’étranger où la Suède est encore vue comme un paradis sur terre, un État-providence ou un modèle d’État social-démocrate. Mais ici en Suède et dans les autres pays nordiques, il est clair pour tout le monde que le modèle scandinave ou nordique n’existe plus depuis bien longtemps.La Suède a commencé à changer dans les années quatre-vingt lorsque les premières privatisations, les mesures d'austérité et autres réformes néolibérales ont  été mises en œuvre par des gouvernements sociaux-démocrates. Le rythme de ces contre-réformes néolibérales s’est accéléré dans les années quatre-vingt-dix. Le système de retraite a été partiellement privatisé et est maintenant totalement dépendant du marché boursier. Les coupes dans les dépenses publiques ont été suivies par des réductions d'impôts pour les entreprises et les riches. Les chemins de fer, ainsi que l’électricité, les télécoms, les entreprises publiques ont été déréglementés et privatisés, comme l’ont été en partie les écoles, le système de santé et les hôpitaux.L’impôt sur la fortune a été supprimé. L'impôt foncier, ainsi que celui sur les sociétés et sur les revenus du capital, a été abaissé. La baisse de l’impôt sur le revenu a été financée par une réduction des prestations sociales, de l’allocation chômage et des prestations pour congé maladie.Le bilan de toutes ces réformes néo-libérales a été la croissance des inégalités la plus rapide de tous les pays de l’Europe occidentale. Selon un rapport de l’OCDE, la Suède a dévissé de la première à la quatorzième place du classement des pays les plus égalitaires. Dans le même temps, le chômage a explosé. Actuellement, le taux de chômage est officiellement de 8 %, un taux largement sous-estimé. Celui des jeunes est officiellement de 20 % et à peu près de 30 % dans la communauté somalienne.Les réformes néolibérales ont provoqué une pénurie majeure de logements. Dans la seule ville de Göteborg (la deuxième ville du pays), il manque près de 30 000 logements. À Stockholm, la situation est pire encore. Dans de nombreux quartiers, on vit à l’étroit et nombre d’enfants et d’adolescents passent une grande partie de leur temps dans les rues.

Émeutes du désespoirCette situation a conduit à des tensions sociales croissantes. Depuis 2008, il y a eu chaque année des émeutes dans les banlieues. Les pires émeutes à ce jour ont eu lieu en 2009, dans la banlieue de Göteborg, centre industriel de la Suède. Des émeutes qui ont duré d’août à novembre, et qui ont eu lieu, si ce n’est tous les jours, au moins chaque semaine. Différents groupes ont pris part à ces émeutes, allant de membres de gangs à quelques militants politiques qui sont descendus dans la rue.Les émeutes sont alimentées par les inégalités flagrantes et le désespoir. En ce sens, leurs racines sont politiques, même s’il ne s’agit pas d’actions politiques en tant que telles. Des émeutes déclenchées par les violences et les bavures policières, comme c'est le cas pour les émeutes récentes dans la région de Stockholm suite au décès d’un retraité tué par la police et aux mensonges qui ont entouré les circonstances de cette mort.Après quelques protestations pacifiques contre la police et des appels à une enquête indépendante sur cette mort, quelques pillages et incendies de voitures ont eu lieu un dimanche dans la banlieue de Husby au nord de Stockholm. Lorsque la police est intervenue, elle l’a fait avec beaucoup de violence et des comportements racistes. Les émeutes ont été la réponse immédiate des jeunes adultes et adolescents. En l’espace d’une semaine, les émeutes se propageaient à toute la région de Stockholm et à certaines petites villes suédoises.

De Göteborg, Anders SvenssonTraduction Raymond Adams