La guerre du régime Assad et de ses alliés contre la population syrienne continue et s’intensifie, particulièrement contre les quartiers libérés d’Alep qui ne sont pas sous la domination du régime Assad ni des groupes djihadistes comme Daesh ou Fateh al-Sham (ex Jabhat al-Nusra), et qui comptent encore environ 250 000 à 300 000 personnes.
Entre le 26 septembre et le 2 octobre, plus de 350 civils sont morts, dont une centaine d’enfants, dans les bombardements russes et du régime Assad sur Alep libre, tandis que sur le terrain, les forces du régime, avec l’aide de plusieurs milliers de combattants du Hezbollah et des milices confessionnelles fondamentalistes chiites, encerclent et avancent sur les derniers quartiers sous le contrôle de l’opposition. Dimanche 2 octobre, l’armée syrienne a appelé dans un communiqué les groupes d’opposition armée à évacuer les quartiers est d’Alep, affirmant qu’elle garantirait la sécurité de leur passage et leur fournirait l’aide nécessaire. Pour rappel, depuis 2013, le régime de Bachar el-Assad largue des barils d’explosifs sur les secteurs libérés d’Alep, causant des milliers de victimes et des destructions massives.
« Un massacre de masse »
Deux nouveaux hôpitaux, dont le plus grand hôpital des quartiers libres, ont dû suspendre leurs activités à la suite de bombardements. Seuls six établissements sont encore en activité dans les quartiers est d’Alep. Il y a une politique délibérée du régime Assad et des forces russes de détruire les installations médicales. Il y a eu en effet 382 attaques contre des installations médicales en Syrie entre mars 2011 et juin 2016. 90 % des bombardements ont été menées par les forces du régime Assad ou de l’aviation russe.
Ces forces ont également tué plus de 700 travailleurEs du personnel médical en Syrie. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Syrie est le pays le plus dangereux pour les personnels soignants, avec 135 attaques contre des centres médicaux en 2015.
En même temps, les centres de la défense civile, connus sous le nom de « casques blancs », qui viennent en aide à la population, sont également la cible des bombardements. Depuis la fin de la trêve, trois des quatre centres de la défense civile à Alep et 19 de leurs véhicules ont été détruits...
Des membres de Médecins du monde ont d’ailleurs lancé le dimanche 2 octobre 2016 dans le journal le Monde un cri d’alarme sur la situation des quartiers libérés de l’est d’Alep. La tribune dénonce « un massacre de masse » et « l’abandon d’un peuple », et détaille le terrible quotidien de « la trentaine de médecins héroïques qui ont survécu et qui sont restés » sur place malgré « l’impossibilité d’exercer des soins adaptés » : « opérations réalisées à même le sol, faute de médicaments, (...) amputations de sauvetage réalisées sans anesthésie »...
Mêmes causes, mêmes effets...
La poursuite de la guerre contre le peuple syrien par le régime Assad et ses alliés russes, iraniens, du Hezbollah et autres milices confessionnelles, rend impossible tout retour à la paix dans les conditions actuelles. Poutine a d’ailleurs annoncé qu’il allait envoyer davantage d’avions de combat pour intensifier sa campagne militaire en Syrie. Les discussions entre les gouvernements russe et étatsunien pour une nouvelle trêve sont au point mort. Dans un communiqué, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a jugé « particulièrement inqualifiable (…) le ciblage systématique des structures et des personnels de santé » à Alep... mais sans changer de politique.
Les États occidentaux, voire certains courants de gauche dans leurs politiques dites « réalistes », pensent qu’on peut réussir à se débarrasser de Daesh et de ses semblables, considérés comme les ennemis principaux en Syrie, avec les mêmes éléments qui ont nourri leur développement : le maintien de régimes ou groupes autoritaires et confessionnels responsables de la grande majorité des morts et des destructions depuis 2011 ; le soutien apporté à des politiques néolibérales et à des interventions militaires... Pourtant, avec tout cela, on les verra réapparaître à l’avenir comme ce fut le cas dans le passé.
Il s’agit de s’attaquer aux conditions politiques et socio-économiques qui ont permis leur développement. Il faut se rappeler que Daesh, élément fondamental de la contre-révolution, a connu une avancée sans précédent à la suite de l’écrasement des mouvements populaires, en se nourrissant de la répression massive perpétrée par les régimes autoritaires d’Assad et consorts et en attisant les haines religieuses. Il s’agit de soutenir les mouvements populaires démocratiques et non confessionnels qui, malgré des reculs importants, se poursuivent à travers la région, défiant à la fois les régimes autoritaires et les organisations fondamentalistes religieuses. C’est le seul moyen d’éviter des erreurs du passé : la paix, ou une nouvelle Syrie, ne sont pas possibles avec Assad et ses colistiers.
Joseph Daher