Publié le Mercredi 23 mars 2016 à 21h30.

Syrie : Manœuvres diplomatiques, poursuite de la résistance démocratique

Chaque vendredi depuis le début de la « trêve », les manifestations populaires ont repris dans les zones libérées de Syrie. Pendant ce temps, les puissances mondiales et régionales manœuvrent pour un accord sur leur dos.

Le 18 mars était le « vendredi de la dignité », et du nord au sud du pays les manifestantEs s’exprimaient sous le drapeau révolutionnaire syrien et avec le slogan « La révolution continue ». Des manifestations ont également eu lieu dans certaines villes et villages à majorité kurde, avec des slogans pour l’unité arabe et kurde. Dans la ville de Ma’aret al-Nouman près d’Idlib, les manifestantEs continuent de s’opposer aux pratiques autoritaires des forces de Jabhat al-Nusra (Al-Qaïda en Syrie). Ils ont saccagé ses bureaux dans la ville et ont demandé la libération des activistes démocratiques et membres de l’Armée syrienne libre (ASL).

Retrait militaire russe ?

L’annonce d’un retrait de la majeure partie des forces militaires russes de la Syrie par le Président Poutine le lundi 14 mars n’a pour l’instant pas empêché la continuation des bombardements de l’aviation de Moscou, notamment pour appuyer l’armée du régime Assad. La base aérienne de Hmeymim, au sud-est de la ville de Latakia, continue à être utilisé par l’aviation militaire russe, ainsi que la base navale de Tartous. Sur le sol syrien, Poutine maintient également des hélicoptères, pièces d’artilleries, des batteries de roquettes à longue portée et la plupart des 5 000 membres du personnel militaire russe. Les bombardements russes ont d’ailleurs causé la mort de 55 civils syriens, y compris 13 enfants, le week-end du 19 et 20 mars.

Cette annonce de retrait russe est arrivée surtout comme geste diplomatique avant le nouveau cycle de « négociations de paix » qui a repris à Genève à la mi-mars, avec la participation du régime Assad et de l’opposition, la coalition syrienne dominée par des forces libérales et du mouvement des Frères musulmans, mais sans la principale force kurde du PYD, du fait des pressions du gouvernement turc qui tient l’organisation pour un groupe « terroriste ». Le scepticisme autour de ces négociations est toujours de mise. Les représentants du régime ont par exemple soumis un document comme base de discussion d’une solution politique dans lequel est reprise la propagande officielle du régime sur le maintien d’un État laïque (alors qu’il ne l’est pas), l’intégrité territoriale de la Syrie et l’importance de la « lutte contre le terrorisme », mais aucun mot sur une transition politique.

L’annonce du fédéralisme kurde par le PYD

Le jeudi 17 mars, une entité « fédérale démocratique » dans les zones contrôlées par le PYD dans le nord du pays a été proclamée. à l’issue d’une réunion de plus de 150 représentants de partis kurdes, arabes et assyriens à Rmeilane, dans le nord-est de la Syrie, les participants ont voté en faveur de l’union des trois « cantons » constitué par des populations à majorité kurde (Afrine, Kobané, Jazireh). Le régime Assad et la coalition syrienne ont tout deux affirmé leur opposition à cette annonce, tandis que Washington, malgré son soutien au PYD, a indiqué qu’il ne reconnaîtrait pas cette entité fédérale.

La volonté d’un système fédéral est une demande de tous les partis kurdes en Syrie, mais d’autres partis kurdes réunis autour du Congrès national kurde sont opposés à cette annonce, car elle doit faire l’objet selon eux de plus de discussions et explications avec les acteurs arabes de la Syrie, qui dans leur grande majorité y voient un pas vers la séparatisme et la division. De plus, les politiques du PYD ambiguës envers le régime Assad, et des exactions contre les civils arabes dans les régions dominées par les forces militaires du PYD, augmentent les suspicions d’une partie de la population arabe de Syrie.

Pour nous, cela n’empêche pas d’apporter un soutien inconditionnel à l’auto-détermination du peuple kurde en Syrie et ailleurs, tout en affirmant que c’est l’unité des peuples de Syrie, notamment arabe et kurde, sur la base d’un programme démocratique et inclusif, qui permettra leur libération et émancipation face aux forces de la contre-révolution du régime Assad et des forces islamiques fondamentalistes.

Joseph Daher