Tout un pan de la société se voit menacé par des islamistes radicaux.
Xulhaz Mannan gagnait sa vie en travaillant pour l’USAid au Bangladesh, mais il se consacrait à la défense des droits LGBT dans un pays où l’homosexualité est criminalisée. Il avait fondé l’unique magazine gay du pays, Roopbaan, et c’est pour cela qu’il a été assassiné, le 25 avril dernier, avec son ami, Mahbub Rabbi. Une demi-douzaine d’hommes ont forcé l’entrée de son appartement et les ont tués à la machette...
Il n’est pas le seul à avoir été ainsi sommairement exécuté par des organisations islamistes radicales. Deux jours plus tôt, un discret professeur d’université, Rezaul Karim Siddique, était tombé sous leurs coups meurtriers alors qu’il allait prendre son bus.
Ces trois dernières années, au moins seize personnes ont été assassinées, dont six blogueurs laïques, deux professeurs d’université, un prêtre italien, deux autres étrangers, et donc maintenant une figure publique de la communauté gay dont la plupart des membres vivent dans la peur quotidienne de voir leur identité sexuelle découverte. Ajoutons un hindou, des intellectuels et artistes connus, mais aussi des « messieurs tout le monde » dont le style de vie importunait les gardiens criminels de la vertu.
Le pouvoir s’en lave les mains...
Le rythme des agressions mortelles – généralement à la machette – s’accélère : cinq en un mois. L’éventail des « cibles » est très large. Nombreux sont celles et ceux qui craignent d’être la prochaine victime. Des homosexuels n’osent plus se rendre à leur travail, leur nom ayant été révélé. Le gouvernement se lave ostensiblement les mains de leur sort, la Première ministre considérant qu’il n’est pas de sa responsabilité de protéger des personnes de mauvaise vie ou de mauvaise idéologie (laïques, libres penseurs), et les victimes se sentent souvent mises en accusation ou délaissées par les autorités. À ce jour, seulement deux islamistes ont été condamnés (à la peine de mort) pour l’assassinat du blogueur Ahmed Rajib Haider.
Le Bangladesh a une longue tradition de gauche et de tolérance intercommunautaire, les courants islamistes coupables de massacres lors de la guerre de 1971 étant surtout lié au Pakistan (occidental). Aujourd’hui, les religieux radicaux du Bangladesh font tomber une chape de plomb sur tout un pan de la société. Le Hefazat-e-Islam avait publié une liste de 84 « blogueurs athées », exigeant que le gouvernement les poursuive pour blasphème. Depuis 2013, au moins cinq des victimes étaient nommées dans cette liste.
La méthode commence à faire des émules. Ainsi, au Yémen, le jeune blogueur Omar Mohammed Batawil, 25 ans, a été enlevé, puis abattu de deux balles dans la tête. En Écosse, Asad Shah, émigré du Pakistan, a été poignardé 30 fois par un musulman pakistanais : Shah était un ahmadi, un courant religieux auquel bien des sectes dénient le droit de se réclamer de l’islam.
On peut craindre que les assassinats ciblés de laïques, athées, libres penseurs, apostats, intellectuels musulmans, mais n’affichant pas la bonne « croyance » (euphémisme pour idéologie religieuse), ne se répandent parallèlement aux attentats aveugles. N’oublions pas ces victimes dans notre solidarité internationale !
Pierre Rousset