Deux semaines après l’élection présidentielle, Hillary Clinton a creusé l’écart en nombre de voix. Elle obtient désormais deux millions de voix (soit 1,5 %) de plus que Trump.Un tel écart serait inédit depuis 1876 pour un candidat malheureux à la Maison Blanche ! Mais la page est tournée, Trump est dans la place et entend bien s'en servir.
Conflit ou fusion d'intérêts ?
Élu sans dévoiler sa situation financière et fiscale, Trump sera certainement l'homme le plus riche de l'histoire à s'installer à la Maison-Blanche, avec une fortune évaluée entre 4 et 10 milliards. Quand on est riche... « En théorie, je pourrais parfaitement diriger de concert mes affaires et celles du pays », assure-t-il et ce n'est pas que théorique.
Il aurait « 121 accords commerciaux en cours dans le monde ». Quelque 150 sociétés de son groupe seraient présentes dans 25 pays. En août, il a enregistré huit nouvelles entités en Arabie saoudite. Son groupe immobilier est en outre endetté à hauteur d'au moins 650 millions de dollars, notamment auprès de la Deutsche Bank (de l'ordre de 300 millions) et de la Bank of China (200 millions estimés).
Les présidents argentin et philippin ont déjà activé leurs relations d'affaires avec le promoteur Trump pour entrer en contact avec le président Trump. Ivanka, sa fille, a été associée à la visite du Premier ministre japonais et à la conversation avec l'Argentin Mauricio Macri. Trump aurait aussi demandé l'aide de Nigel Farage pour faire annuler un projet d'éoliennes qui menace la vue de son golf d'Aberdeen… Pour Trump, il semblerait que l’État et ses propres affaires ne fassent qu'un.
Chaque jour est un jour nouveau...
Les commentateurs n'en finissent pas de s'interroger sur l'imprévisibilité de Trump, en fait, cette imprévisibilité participe de sa stratégie individuelle. Tout y est opportunisme et démagogie, il change d'avis en fonction de la situation, de ses besoins... Avec un cap solide, lui-même dont les intérêts se confondent maintenant avec ceux de la première puissance mondiale. Sur le mur avec le Mexique, l'avortement, la torture, il change, nuance, prend à plaisir ses interlocuteurs à contre-pieds... Il fait semblant maintenant de découvrir le réchauffement climatique pour reconnaître l’existence d’un« lien, il y a quelque chose mais tout dépend dans quelle mesure », jugeant par ailleurs« l’air pur d’une importance vitale » !
Certes, mais il affirme qu'il « annulera les restrictions tueuses d'emplois dans la production de l'énergie américaine - y compris le gaz et le pétrole de schiste et le charbon propre - créant ainsi plusieurs millions d'emplois bien payés ». Après avoir défendu son futur conseiller stratégique Stephen Bannon, l’ancien patron du site Breibart News associé à l’« Alternative Right », l’extrême droite américaine,Trump veut faire croire qu'il condamne les groupuscules suprémacistes blancs qui le soutiennent sans réserve. « Je les désavoue et je les condamne » !
« America great again », ou entériner la dégradation des rapports de force ?
Il dit tout et son contraire aussi sur les questions de politiques internationales... avec cependant une idée fixe : mettre un terme au traité de libre-échange, le TPP, signé fin 2015. Ce traité réunit douze pays de la zone Pacifique, des États-Unis au Japon en passant par le Vietnam. A l’exception de la Chine.
Réagissant aux déclarations de M. Trump, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a d’ailleurs jugé qu’il serait « impossible »de le renégocier.
Le véritable enjeu de ce traité est diplomatique. Le Partenariat transpacifique était au cœur de la stratégie du « pivot » vers l’Asie défendue par Obama. Avec l’ambition assumée de contrebalancer l’influence grandissante de la Chine.
Pékin n’a pas perdu une minute pour profiter du retrait annoncé des USA. Au sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), le président chinois Xi Jinping a appelé à accélérer les travaux en faveur de sa propre initiative : un partenariat économique régional intégral entre la Chine, l’Inde, l’Australie, l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est)… mais sans les États-Unis. Il a assuré : « La construction d'une zone de libre-échange de l'Asie-Pacifique est une initiative stratégique vitale pour la prospérité à long terme de la région. Nous devons nous y atteler fermement. »
Cette zone de libre-échange Asie-Pacifique (FTAAP) rassemblerait les 21 économies de l'Apec, qui représentent 60 % du commerce mondial et 40 % de la population.
Le repli annoncé par Donald Trump semble ainsi signifier une perte d’influence économique et politique des États-Unis en Asie.
Tout pour les banques...
Celui qui dénonçait la « possédée par Wall Street », Clinton, ou déclarait : « Je connais Wall Street. Je connais les gens de Wall Street. Nous allons avoir les meilleurs négociateurs au monde, mais en même temps je ne vais pas laisser Wall Street s'en tirer en toute impunité. Wall Street nous a causé d'énormes problèmes. On va taxer Wall Street », a pris un sérieux virage... annoncé. Il part maintenant en guerre contre la loi Dodd Frank de 2010 votée par les Démocrates après la crise des subprimes. Cette loi a créé de nouvelles agences de contrôle, limité les activités spéculatives des banques (à hauteur de 3 % des fonds propres) et encadré les produits dérivés. « Dodd-Frank empêche les banques de fonctionner [...], il faut que ça cesse ». Un empêchement pour le moins relatif !
Mais Trump part en guerre contre toute réglementation qui limiterait la liberté des grands patrons. Il voit le monde à son image.
Wall Street jubile. Moins de deux semaines après avoir atteint un niveau record de 18.758 points, au lendemain de la victoire de Donald Trump, le Dow Jones Industrial Average, a franchi la barre des 19.000 points pour la première fois de son histoire !
Plus dure sera la chute
Pour les capitalistes, il est temps d'en finir avec la politique de Janet Yellen, la présidente de la Réserve fédérale, sa politique de taux d’intérêt bas et les injections de liquidités dans l’économie. Alors que la reprise économique est pour le moins fragile, le monde de la finance veut avoir toute liberté pour faire de nouveaux profits. Ils veulent libérer les taux d'intérêts, faire de l'argent, augmenter les prix... Trump est leur homme.
Dans le même temps, il promet d’injecter 1000 milliards de dollars dans les infrastructures, tout en baissant les impôts, surtout des plus privilégiés et des entreprises. Donc un accroissement des déficits qui ne pourra être financé que si les FED attire des capitaux du monde entier.
La spéculation voit de beaux jours arrivés... Sauf qu'au bout de cette folle course financière qui s’engage à l'échelle mondiale, il y a le krach.
Yvan Lemaitre