Les nations dominantes ont la vieille habitude de justifier leur mainmise sur les territoires qu’elles convoitent en invoquant les droits des peuples. « Dans pas mal d’endroits du globe, le droit des peuples à l’autodétermination a été reconnu par les Nations unies », déclarait Vladimir Poutine le 4 mars pour justifier sa décision de rattacher la Crimée à la Russie. Le Parlement de Crimée, qui obéit à sa volonté, a annoncé un référendum sur la question le 16 mars.
La Russie prend argument de la chute de son homme de main pour récuser ses engagements à respecter la souveraineté de l’Ukraine et annexer la Crimée, qui est, depuis sa conquête par les Tsars contre les Tatars et la Turquie, la base navale militaire de la Russie au sud.
En Ukraine, le nouveau gouvernement qui s’est imposé à la tête de la révolte populaire pour mieux la canaliser derrière les forces réactionnaires, en appelle à l’Union européenne, aux USA et à l’Otan pour faire cesser « l’agression russe » et dénonce un référendum « illégal ». Il organise la ferveur nationaliste contre la Russie.
Les forces réactionnaires qui veulent imposer leur propre pouvoir en Ukraine ou en Crimée se font les agents des grandes puissances pour tenter de tirer parti de leurs rivalités et luttes d’influence. Ces manœuvres politiques, diplomatiques et militaires n’ont pas grand chose à voir avec le droit des peuples à l’autodétermination. L’issue du référendum du 16 mars ne fait guère de doute mais quelle étrange démocratie que celle imposée par les chars de la vieille puissance coloniale... L’indignation des puissances occidentales ne vaut pas mieux, elles veulent capter la haine de l’oppresseur russe à leur profit.
À travers ce sinistre ballet qui se joue des peuples, il y a un espoir, que les classes populaires se politisent pour leur propre compte, défendent leur propre droit comme elles ont su se mobiliser pour renverser le dictateur Ianoukovitch. L’espoir que, à travers l’agitation provoquée par les luttes et les rivalités de ceux d’en haut, la classe ouvrière d’Ukraine trouve les moyens de se mobiliser et se battre pour les droits sociaux et démocratiques.
C’est au fond ce qu’Obama, Poutine et leurs amis craignent le plus...
Yvan Lemaitre