C’est dans l’opacité politique des changements superficiels d’étiquettes que se dérouleront les prochaines élections présidentielles prévues le 25 mai.
Tous les partis ont été affectés par « Maïdan », sans clarté sur les recompositions en l’absence d’élections législatives et d’un processus constituant. Ce n’est pas un « putsch fasciste » mais un vote majoritaire du Parlement, avec le basculement de bon nombres d’oligarques et députés du Parti des Régions de Ianoukovitch qui a conduit à sa destitution le 22 février – à la suite de dizaines de morts dont il porte probablement une responsabilité majeure selon l’enquête à ce sujet. Mais les dirigeants présumés de « l’opposition pro-européenne » ne sortent pas confortés de ces événements : le discrédit semble affecter y compris Ioulia Timochenko, l’ex-égérie de la « révolution orange » de 2004, libérée sous pression de l’UE en espérant qu’elle maîtriserait « Maïdan ». Même l’ancien boxeur Klitschko a préféré se désister en faveur de l’outsider qui monte dans les sondages, Petro Porochenko, le « roi du chocolat », un richissime oligarque.
Mutations d’extrême droiteSi le parti d’extrême droite Svoboda a quatre ministres dans le gouvernement provisoire, les pratiques musclées de ses députés contre « les Russkoff », de même que la loi heurtant de plein fouet les russophones – bloquée par le président, mais exploitée par Poutine en Crimée – sont devenues inopportunes pour la stabilisation du nouveau pouvoir et pour ses soutiens internationaux.Si les Berkouts (milices) du régime ont été démantelés, les tensions montent entre le ministre de l’Intérieur Arsen Avakov – chargé par le parlement de désarmer les groupes para-militaires – et l’autre composante d’extrême droite, Pravyi Sektor. Celle-ci l’accuse de l’assassinat d’un dirigeant de son organisation, Oleksandr Mouzytchko. Il était suspecté par Moscou d’attiser avec un autre dirigeant, Dmitri Iarosh, des attentats anti-russes en Tchétchénie.Pravyi Sektor s’est déclaré en parti, avec Iarosh pour candidat aux élections de mai. Il s’attache à contrer la propagande de Moscou dans les régions de l’Est en mettant l’accent sur l’indépendance de l’Ukraine, contre tout rapprochement avec l’UE « décadente ». Sa rivale Svoboda milite au contraire pour une « Ukraine européenne » contre les russophones « asiatiques », au prix d’une rupture avec le Front national qui soutient Poutine...
« Aides » empoisonnées« Un des aspects les plus choquants de l’aide russe est qu’elle permettait au pouvoir de s’affranchir d’un programme du FMI », regrettait le Figaro le 28 février. Qu’il se réjouisse : Moscou vient d’annuler tous les accords de décembre, mais joue les offres de baisses tarifaires vers les populations russophones – assorti de déploiement militaire – pour négocier une fédéralisation de l’Ukraine.L’UE s’en est remise au FMI pour « sauver » le pays de la cessation de paiement. Le Fonds lui accordera entre 14 et 18 milliards de dollars, moyennant une augmentation de 50 % des prix du gaz le 1er mai et le gel des salaires et retraites des fonctionnaires.Si les populations du pays s’emparent de ces enjeux, elles pourraient faire payer les oligarques et protèger l’indépendance et l’unité du pays, par la conquête de droits sociaux et nationaux égalitaires qui ne sont défendus ni en Russie ni dans l’UE. Elles œuvreraient aussi au retrait des troupes russes et au démantèlement de l’Otan.
Catherine Samary