Pour le funeste premier anniversaire de l’invasion poutinienne en Ukraine, des rassemblements de grandeur variable ont eu lieu dans une trentaine de villes françaises.
Les rassemblements, principalement à l’initiative des associations ukrainiennes en France et coorganisés dans des cadres unitaires avec les organisations du Réseau français de solidarité avec l’Ukraine (RESU), ont porté des revendications claires de solidarité avec l’Ukraine. Ce sont sur des bases similaires que l’intersyndicale nationale française (regroupant sept des huit centrales françaises, exception faite de FO) a appelé à se joindre aux marches « pour une paix juste et durable et le retrait des troupes russes ».
Parallèlement, des rassemblements étaient organisés le même jour par le Mouvement de la paix. Le cercle des organisations impliquées dans ces rassemblements ne comptant notablement aucun ukrainienE ou russe anti-guerre était composé notamment du PCF, du MRAP, du PCOF. Dans différentes villes, les initiatives furent aussi rejointes par la FI, le POI, le POID, le PRCF, et par certaines structures locales de FO, de la CGT et de la FSU.
Clivages à gauche depuis le début du conflit
Ces deux dynamiques au sein du camp « progressiste » français font évidemment écho à des discours dissonants et renvoient aux clivages importants à gauche depuis le début du conflit. En particulier, à la demande de « retrait des troupes russes de tout le territoire ukrainien » comme condition préalable à une paix juste et durable par le RESU s’oppose un appel à un « cessez-le-feu immédiat » par le Mouvement de la paix et ses affidés, actant de fait le statut quo dans les zones annexées par les Russes. C’est d’ailleurs sur ces bases que FO s’est retiré de l’intersyndicale nationale par voie de communiqué deux jours avant les manifestations, sous pression interne des courants lambertistes.
Certaines organisations sont allées plus loin en demandant la fin des livraisons d’armes pour l’Ukraine et des sanctions contre la Russie — on retrouve ici les tendances FSM de la CGT, les courants néostaliniens gravitant autour du PCF mais aussi une partie de la sphère trotskyste, dont Lutte ouvrière. Plus largement c’est dans un discours plaçant les responsabilités russes et celles de l’Otan sur un pied d’égalité dans la guerre actuelle que ces courants se retrouvent. Ainsi dans un tract du Mouvement de la paix distribué lors de la manifestation nantaise on pouvait lire : « La Russie a envahi une partie de l’Ukraine, au mépris du droit international, afin de sécuriser ses frontières et protéger les russophones ».
Le RESU, une dynamique de solidarité
Cette inquiétante fracture, qui n’est pas près de s’estomper, ne doit pourtant pas cacher que c’est du côté du RESU que la dynamique se trouve. D’une part, les rassemblements qu’il organise sont bien plus fournis dans la plupart des villes (6 000 personnes contre à peine quelques centaines pour les deux initiatives parisiennes). D’autre part, y convergent les diasporas antiguerre ukrainienne, mais aussi russe, géorgienne, syrienne, etc., complètement absentes dans les rassemblements du Mouvement de la paix. Là où les jonctions ont été faites, les discours contre les livraisons d’armes et insistant sur l’Otan qui rajoute de « la guerre à la guerre » se sont fait huer par l’assistance (Lille et Saint-Brieuc notamment).
Le RESU a ainsi montré son efficacité et continue de s’étendre grâce à de nouveaux contacts et à la création à venir de nouveaux comités locaux. Le travail unitaire avec les organisations ukrainiennes s’améliorent.
À l’heure où l’offensive russe à Bakhmout témoigne de la volonté persistante du régime poutinien d’en finir avec l’Ukraine indépendante, ce troisième front de la solidarité internationale (après ceux militaires et civils en Ukraine) est plus que jamais vital. Une voix forte à gauche doit parvenir à la population ukrainienne, pour qui la persistance des troupes russes sur son territoire ne peut en aucun s’apparenter à une forme de paix.