Publié le Vendredi 31 janvier 2020 à 11h06.

Un système de plus en plus violent… et de plus en plus contesté

Pour parler de la mobilisation actuelle, il importe d’essayer de revenir sur le contexte économique et politique international dans laquelle elle a surgi.

Un système capitaliste de plus en plus instable et violent

Cela semble peu original de le dire, car l’instabilité et la violence font partie de l’ADN du capitalisme. Mais avec les outils technologiques d’analyse et de diffusion des informations, cette instabilité et cette violence sont de plus en plus perceptibles à une échelle de masse.

Quelques chiffres récents illustrent l’accélération de l’accumulation des richesses entre les mains d’une minorité avec, en corollaire, l’approfondissement des inégalités. Selon le magazine US Forbes, Bernard Arnault (LVMH) est désormais l’homme le plus riche du monde. Une nouvelle qui devrait rassurer Macron quant à la santé des entreprises, mais aussi infirmer les discours nous répétant qu’il n’y a pas d’argent pour les retraites, les services publics…

D’autres chiffres, d’Oxfam, confirment cet accaparement des richesses : les 1 % les plus riches en concentrent autant que 90 % de la population mondiale. 3,8 milliards de personnes vivent avec moins de 5 dollars/jour. Les hommes détiennent 50 % de richesses de plus que les femmes. En France, les 10 % les plus riches possèdent 50 % des richesses du pays, et sur 41 milliardaires (4 fois plus qu’en 2008), 5 sont des femmes.

Assurer le maintien et l’aggravation de ce système sur fond d’instabilité économique généralisée est de plus en plus difficile politiquement. Des pouvoirs prennent des tournures de plus en plus autoritaires et conduisent à la montée des « populismes » de droites de plus en plus extrêmes. La liste s’allonge : Chine, Russie, Turquie, USA, Brésil, Philippines, coups d’État en Bolivie et au Venezuela. Les guerres commerciales font planer le spectre d’une guerre tout court. En France, à un moindre niveau, le tournant autoritaire commencé sous Sarkozy, poursuivi par Hollande avec l’état d’urgence est systématisé par Macron. 

Des contestations internationales du système

Heureusement, d’immenses espoirs viennent du développement de contestations inédites qui s’étendent et s’alimentent sans parvenir à se coordonner. Ces contestations ont en commun de partir des effets des crises du système pour mettre en cause le système lui-même :

– Les crises écologiques ont provoqué depuis plus d’un an un mouvement de la jeunesse qui lie justice climatique et justice sociale ; 

– La révolte des femmes contre le patriarcat est un mouvement de fond ancré dans les réalités des différents pays :« Pas une de plus » en Amérique latine, droit à l’avortement et à disposer de nos corps en Europe et aux États-Unis, contre les violences et les féminicides. Ces mobilisations prennent des formes différentes : manifs de masse et auto-organisation en Amérique latine, grève des femmes en Espagne, manifestations de rue, MeToo qui dénonce le caractère systémique de la domination patriarcale, grève de secteurs féminisés ; 

– 2019 a été l’année d’un véritable soulèvement, qui continue en 2020, des peuples contre le capitalisme néolibéral et autoritaire. Il touche toutes les régions du monde, l’Europe à un moindre degré. Certains points communs percutent nos débats dans la construction de la grève : les revendications économiques et politiques s’imbriquent pour déboucher sur « système dégage » (Algérie) adressé à des pouvoirs incapables de satisfaire des revendications économiques et démocratiques. La place de la jeunesse et des femmes particulièrement visibles dans ces mobilisations met en évidence, les enjeux écologistes et féministes. Un des caractères communs est l’inscription dans la durée, même après des reculs partiels du pouvoir, avec une détermination que la répression n’entame pas, y compris lorsque l’affrontement est extrêmement violent (Chili, Irak, Hong-Kong). L’auto-organisation se développe à la base dans les quartiers, les places. Mais elle se heurte à une absence, voire à un refus de coordination plus large et de réponse politique globale alors même que la contestation vise le « système » ; 

– La défiance, le rejet des organisations politiques et syndicales qui ont structuré le mouvement ouvrier considérées comme intégrées au système, y compris les organisations révolutionnaires, provoquent  des réactions de repli sectaire à l’égard des mouvements ;

– Enfin et ce n’est pas la moindre des difficultés, la question de comment combiner les différentes formes de mobilisation se pose : occupation de la rue, manifs de masse pouvant aller à l’affrontement armé avec le pouvoir avec, ce qui pour nous reste central dans la remise en cause du système, les grèves vers la grève générale politique.