Publié le Mercredi 11 janvier 2023 à 20h00.

USA : l’extrême droite devient une force au Congrès

Pour la première fois en 100 ans, l’extrême droite s’est imposée comme une force au sein du Congrès des États-Unis. Un groupe de seulement 10 % des représentants républicains a montré qu’il avait désormais le pouvoir de perturber et de paralyser la chambre basse.

C’est la première fois depuis le début du 20e siècle, lorsque plusieurs membres du Ku Klux Klan siégeaient au Congrès, qu’un groupe ayant des liens avec des organisations et des activités violentes a un tel pouvoir.

Pouvoir de nuisance

Vingt Républicains d’extrême droite ont paralysé le Congrès pendant cinq jours, afin d’empêcher le leader républicain Kevin McCarthy (pourtant clairement conservateur) de devenir président de la Chambre des représentants. Ils ont bloqué pendant cinq jours son élection, refusant de lui donner la majorité nécessaire des voix des membres de la Chambre. Sans président, la Chambre ne pouvait rien faire : elle ne pouvait pas accueillir de nouveaux éluEs, créer des commissions ou adopter des lois. C’est la première fois qu’une telle chose se produit depuis 1923 et 1859. L’impasse a pris fin le 6 janvier lorsque, lors du quinzième tour de scrutin, McCarthy a fait plusieurs concessions à ce bloc de droite, acceptant de lui donner un pouvoir disproportionné.

Tous les adversaires de McCarthy ont des antécédents d’extrême droite. Ils forment aujourd’hui les troupes d’assaut législatives de l’ancien président Donald Trump qui, comme l’enquête de la Chambre l’a prouvé, a mené la tentative d’insurrection violente de janvier 2020. Plusieurs de ces vingt élus ont été impliqués dans le soutien à l’aspect législatif du coup d’État. Douze d’entre eux soutiennent les fausses déclarations de l’ancien président Donald Trump, niant les résultats de l’élection présidentielle de 2020 qui a été remportée par le président Joe Biden. Quinze d’entre eux ont voté pour annuler les résultats du collège électoral de l’élection de 2020. Dix-sept d’entre eux ont été soutenus par Trump. Dix-neuf d’entre eux sont membres du House Freedom Caucus d’ultra­-droite (auquel appartiennent environ 20 % de tous les représentants républicains). Deux ou trois d’entre eux ont pris la parole devant des organisations nationalistes blanches.

Désormais, vingt représentants sur 434 détiennent certains des principaux leviers de la Chambre. McCarthy leur a concédé le contrôle de plusieurs commissions, et ce bloc de droite sera désormais en mesure de paralyser des processus législatifs aussi essentiels que l’adoption du budget fédéral ou la fixation des limites de la dette fédérale.

Le précédent du Ku Klux Klan

D’autres groupes de droite extrême ont eu une influence sur la politique américaine et le Congrès par le passé. Des années 1950 à aujourd’hui, la John Birch Society, un groupe d’extrême droite anticommuniste, a compté des milliers de membres et a exercé une influence significative au sein du Parti républicain. Larry McDonald, un représentant américain de Géorgie, a été élu leader national de la John Birch Society en 1983, mais il est décédé la même année dans un accident d’avion. Dans les années 1950 et 1960, de nombreux dirigeants républicains conservateurs ont critiqué la Birch Society pour son extrémisme. La dernière fois que les États-Unis ont vu des politiciens violents et d’extrême droite au Congrès, c’était à l’apogée du Ku Klux Klan, dans les années 1920 à 1940. Le Klan des années 1920 était non seulement anti-noir, mais aussi anti-­catholique et anti-juif. Le Klan a été impliqué dans des attaques violentes contre les Noirs, notamment des lynchages, il était également devenu une force au sein du Parti démocrate. Plusieurs membres du Klan ou compagnons de route ont été élus en tant que démocrates au Sénat des États-Unis, à la Chambre des représentants, à des postes de gouverneur et à des fonctions locales et d’États.

Onze hommes du Klan étaient élus au Sénat, tandis que cinq autres étaient soutenus par le Klan. Le Klan a également eu plusieurs élus à la Chambre des représentants et six gouverneurs au cours de cette période. La plupart des politiciens liés au Klan venaient du Sud profond, mais d’autres étaient des sénateurs ou des gouverneurs de l’Oregon, ou encore ont des élus de l’Oklahoma, le Colorado et l’Oregon. Pendant les années 1960, alors que les Klansmen terrorisaient le mouvement des droits civiques, les législateurs du Klan s’efforçaient de bloquer la législation sur les droits civiques des Afro-américains. Mais en 1964 ils ont commencé à reculer. Certains d’entre eux sont restés membres du Congrès jusque dans les années 1980.

En fait, et pas seulement au Congrès, la droite extrême d’aujourd’hui est encore plus importante et plus répandue que ne l’était le Klan. Y résister partout est une tâche essentielle pour la gauche.

Traduction Henri Wilno