Les remarques racistes de trois membres du conseil municipal de Los Angeles et d’un dirigeant de l’AFL (Fédération du travail) de Los Angeles — tous démocrates — ont provoqué une onde de choc dans tout le pays et entraîné des demandes de démission des membres du conseil.
Même le président Biden, qui s’apprêtait à faire campagne en Californie pour soutenir les démocrates locaux, a condamné les membres du conseil et leur a demandé de démissionner. Ces événements, qui révèlent de profonds clivages raciaux, constituent une crise tant pour les Démocrates que pour les syndicats.
« J’emmerde ce type. Il est avec les Noirs »
Un enregistrement réalisé clandestinement et publié par le Los Angeles Times a révélé que les quatre personnes impliquées, toutes d’origine Latino, ont fait des remarques désobligeantes sur les Noirs et les originaires de Oaxaca (État du sud du Mexique) lors d’une réunion secrète pour discuter du redécoupage électoral. Un redécoupage des circonscriptions électorales a lieu dans tout le pays après chaque recensement décennal national et est effectué par les gouvernements des États et, dans certains endroits, comme à Los Angeles, par les autorités municipales, qui redessinent les districts électoraux locaux et pour l’élection du Congrès. Les circonscriptions sont parfois redessinées de manière à donner plus de poids à un parti politique ou un groupe ethnique.
L’objectif des quatre participants à cette réunion secrète était de réduire le poids du vote noir, et d’augmenter le poids du vote latino et donc le pouvoir politique des politiciens latinos. Au cours de la réunion, la présidente du conseil, Nury Martinez, a dit, en parlant du procureur latino George Gascón : « J’emmerde ce type. […] Il est avec les Noirs ». Elle a qualifié l’enfant noir de l’un des membres du conseil de « changuito », c’est-à-dire de petit singe, et a déclaré que l’enfant devait être battu. Elle a également qualifié les Oaxacans de petits, sombres et « feo » (laids). D’autres personnes présentes à la réunion se sont jointes aux remarques racistes ou ne les ont pas contestées.
Des tensions politiques liées à la démographie
Devant l’indignation générale provoquées par les révélations, deux membres du conseil municipal ont démissionné de leur poste et le dirigeant syndical a fait de même.
Que se cache-t-il derrière ce langage raciste et les tensions croissantes entre les Latinos et les Noirs ? En travaillant ensemble dans les syndicats et en formant une coalition politique au sein du Parti démocrate des années 1980 aux années 2000, les Noirs et les Latinos ont gagné du terrain dans le domaine du travail et du pouvoir politique. Mais tout au long de cette période, la population latino de Los Angeles n’a cessé de croître, tandis que la population noire a diminué, car l’embourgeoisement et la concurrence avec les Latinos pour le logement ont poussé de nombreux Noirs à se déplacer vers Riverside et San Bernardino, à l’est, et en ont conduit certains à quitter l’État.
L’évolution de la démographie a entraîné des tensions politiques. Los Angeles, la deuxième plus grande ville du pays après New York, compte quatre millions d’habitantEs ; 13 des 15 membres de son conseil municipal sont démocrates. La moitié des Angelinos sont des Latinos mais les éluEs latinos ne détiennent que quatre des 15 sièges du conseil, tandis que les Blancs, qui représentent 28 % de la population, détiennent six sièges et que les Noirs, qui représentent près de 9 %, sont également surreprésentés avec trois sièges. Les Asiatiques, 12 % de la population, ont deux sièges, ce qui correspond à la proportion de leur population.
Concurrence entre travailleurEs
À Los Angeles, comme dans de nombreuses villes étatsuniennes, il y a une lutte entre les classes sociales et entre les groupes ethniques pour les ressources rares (logements, emplois…), qui se déroule par le biais de la politique municipale — principalement dans le cadre du Parti démocrate. Les représentants syndicaux agissent avec les politiciens pour essayer d’obtenir des avantages au sein du système pour leur base particulière, souvent au détriment d’autres groupes de la classe ouvrière. Si les Noirs et les Latinos forment souvent des coalitions politiques, ils ont tendance à vivre dans des quartiers séparés et à se faire concurrence pour l’emploi, le logement et les services publics. Les alliances politiques ne parviennent pas souvent à réduire les tensions sociales. Pendant ce temps, la classe capitaliste conserve une emprise puissante sur la finance, l’industrie et les services, même lorsqu’elle est contrainte de faire des concessions aux travailleurEs.
Si les travailleurEs de Los Angeles veulent réaliser des gains économiques et politiques significatifs, ils devront surmonter leurs différences et établir une véritable unité de la classe ouvrière.
Traduction Henri Wilno