Publié le Samedi 14 mai 2011 à 13h11.

Vive l’Europe !

Les dirigeants de « notre » pays, gouvernement, patrons, hommes et femmes politiques, de l’UMP au PS, ne cessent de nous le répéter : la privatisation de la santé ? C’est l’Europe qui l’exige ! La privatisation de l’éducation ? L’Europe ! La concurrence libre et non-faussée ? L’Europe, ma bonne dame, encore et toujours... En oubliant de préciser que l’Europe n’est rien d’autre que la réunion des différents gouvernements. Eh bien pour une fois, l’Europe, par le biais de la Cour de justice de l’Union européenne, a pris une décision que nous ne pouvons que soutenir. En effet, par un arrêt du 28 avril, elle a interdit l’incarcération d’un étranger au seul motif qu’il était sans papiers. Il est vrai que cette décision visait directement l’Italie et non pas la France. Ce que s’est empressé de préciser le ministre de l’Intérieur et du Racisme, Claude Guéant, soudain paniqué à l’idée de ne plus pouvoir donner à ses troupes l’objectif de remplir les prisons de sans-papiers. Ainsi, interrogé par l’AFP sur les conséquences de la décision, il répondait qu’elle visait « directement une réglementation italienne » : « À ce stade de notre analyse, le dispositif existant en droit français est suffisamment différent pour qu’on n’ait pas la même interprétation sur la signification de cet arrêt », a indiqué le ministère de l’Intérieur. Explications : en Italie, « la peine d’emprisonnement existe pour le simple fait de rester (sur le territoire) en séjour irrégulier. En France, elle ne vise que le refus d’être reconduit à une frontière ». Une telle « soustraction à une mesure d’éloignement constitue un comportement délibéré de fuite, de rébellion », et c’est cette « fuite », cette « rébellion » qui sont pénalisées. Eh bien voilà, bande d’incultes qui n’avaient pas vu la nuance entre les deux législations...Manque de bol pour super-Guéant, certains juges sont tout aussi hermétiques aux nuances que les défenseurs des sans-papiers et en général de la liberté des êtres humains à circuler au même titre que les marchandises (qui elles, ne connaissent pas de frontières !). Ainsi, le 5 mai, un juge de la liberté et de la détention avait relâché un Tchétchène en se fondant sur la décision de la Cour. Ouh le vilain juge ! Qu’à cela ne tienne, le parquet saisit la cour d’appel en référé dès le lendemain. Et là, re-pas de bol, la cour d’appel confirme. Elle va même plus loin, elle motive son arrêt de sorte qu’il puisse faire jurisprudence et donne un mode d’emploi en cas d’interpellation : « En présence d’un étranger soupçonné de séjour irrégulier, son identité peut être contrôlée, pour ce faire, les services de police peuvent le retenir seulement pendant quatre heures, ce délai étant suffisant à l’autorité administrative pour prendre toute décision utile à son éloignement. Plus de quatre heures obligerait à basculer en garde à vue, garde à vue qui serait donc illégale. » On ne peut que se féliciter de l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes. On imagine que Guéant, Sarkozy, Hortefeux et tous leurs amis, grands humanistes comme eux, sont en train de manger leur chapeau et nous concoctent une nouvelle analyse de l’arrêt européen qui leur permettrait de ne pas l’appliquer. En attendant une décision de la Cour de cassation qui va quand même avoir du mal à motiver un arrêt en sens inverse, les sans-papiers vont pouvoir respirer un peu.C’est pas de notre faute, monsieur Géant... c’est l’Europe !