Publié le Dimanche 28 janvier 2024 à 08h00.

Y-a-t-il un danger fasciste en Italie ?

Que se passe-t-il en Italie ? C’est la question que beaucoup se posent après les images choquantes du rassemblement de la rue Acca Larenzia, le 7 janvier 2024 à Rome, et ces centaines de bras de militants de Casa Pound tendus pour un salut romain au cri collectif fasciste de « Presente » ! 

Cette commémoration 1, a lieu chaque année mais jusqu’à présent elle était circonscrite. Elle prend aujourd’hui une signification particulièrement négative car elle se produit dans le cadre de nombreux événements similaires et convergents et dans un contexte politique et institutionnel où l’extrême droite est au pouvoir. 

Y a-t-il un danger fasciste en Italie ? Il est certain que de nouvelles et profondes involutions autoritaires sont possibles, un danger sous-estimé par les forces sociales et politiques de la gauche modérée qui interprètent le gouvernement Meloni comme un exécutif de droite « normal » sans assumer le saut qualitatif représenté par les héritiers du Mouvement social italien, lui-même héritier du fascisme.

Meloni et la galaxie de l’extrême droite en Italie 

Meloni a d’emblée expliqué que son gouvernement serait celui de « Dieu, de la patrie, de la famille et de l’entreprise » ; elle a poursuivi les politiques néolibérales antérieures et accepté le nouveau pacte de stabilité européen, participant avec les États-Unis et l’Otan à la course aux armements, produisant des mesures en faveur du grand capital et défendant les privilèges de la petite et moyenne bourgeoisie, principal bassin électoral de la droite.

Elle a mené une politique de persécution et de criminalisation des secteurs les plus faibles de la société (les pauvres, les migrantEs, les chômeurEs), encouragé les divisions et la confrontation entre les travailleurEs, sachant que le plus grand danger ne viendrait pas de la faible opposition du PD (Parti démocrate) et du M5S (Mouvement 5 étoiles), mais du mouvement ouvrier. Pour ce faire, Meloni a dû réhabiliter la pensée réactionnaire, ouvrant un nouvel espace d’action politique à la galaxie des organisations ouvertement fascistes. Ces groupes se sentent de plus en plus couverts par le personnel politique du gouvernement et sont très agressifs à l’égard des migrantEs, des personnes LGBT, des militantEs de la gauche et des centres sociaux. 

Un projet réactionnaire visant à détruire les acquis de la Résistance 

Ce gouvernement veut détruire la conscience démocratique, antifasciste et progressiste qui a imprégné l’histoire du pays après la victoire de la Résistance. Cette « religion civile » est très affaiblie par les défaites du mouvement ouvrier, mais elle est toujours présente. Pour les héritiers du MSI, cette idéologie démocratique doit être détruite et remplacée par la réhabilitation de toute l’idéologie réactionnaire et la réécriture de l’histoire. Cette action très forte, qui s’exprime dans la propagande, les médias et les écoles, est à la recherche d’une revanche totale. L’objectif est le renversement total de la Constitution démocratique et l’établissement, de manière plus ou moins autoritaire, de ce que Gramsci appelait un régime réactionnaire de masse.

La passivité de la social-démocratie et des syndicats majoritaires 

Les appels de l’opposition, des journaux libéraux et de la bourgeoisie libérale invitant Meloni et d’autres ministres à faire des déclarations antifascistes apparaissent totalement ridicules. Ils ne représentent pas un espoir pour freiner le dessein autoritaire de Fratelli d’Italia (le parti de Meloni) et de la Ligue de Salvini. Il est tout autant ridicule de proposer comme alternative à Meloni un personnage comme Draghi et les politiques néolibérales européennes, alors que ce sont précisément elles qui ont ouvert la voie à la droite.

De leur côté, les syndicats majoritaires sont restés passifs pendant des mois face aux actions du gouvernement, alors qu’ils auraient dû mobiliser la classe ouvrière dès le début. Leur attitude est grave et entraîne une difficulté à activer une véritable lutte contre un gouvernement qui empoisonne la société. 

La construction d’un mouvement politique et social antifasciste a jusqu’à présent été prise en charge uniquement par les forces de la gauche radicale, les courants syndicaux combatifs et les secteurs intellectuels minoritaires.

 

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  • 1. Acca Larenzia est la rue romaine où un siège historique du MSI (Mouvement social italien) a été le théâtre en 1978 d’une manifestation du MSI après l’assassinat de deux militants par des « terroristes rouges » et d’un troisième néofasciste par un carabinier. Lors du passage du MSI à An (Alliance nationale), ce siège est resté occupé par l’aile la plus extrémiste de la galaxie fasciste.