Le virus Zika doit son nom à une petite forêt d’Ouganda où il a été isolé pour la première fois en 1947. Et depuis, il avait peu fait parler de lui...
La plupart du temps l’infection par le virus reste inapparente, ou se limite à un peu de fièvre, des courbatures, une conjonctivite, quelques rougeurs. Le virus, transmis par les moustiques du genre aèdes qui piquent des humains infectés, s’est progressivement étendu en Afrique et en Asie, faisant récemment des épidémies en Polynésie et en Nouvelle Calédonie, où elles ont pu toucher jusqu’à 60 % de la population, sans causer aucun décès. Il n’existe pas de traitement spécifique, pas de vaccin, pas de test rapide. Des cas de contamination sexuelle ont été signalés.
En février 2016, l’OMS a déclaré Zika « urgence sanitaire mondiale ». C’est qu’aux Amériques, et notamment au Brésil où l’épidémie connaît une dimension sans précédent, avec 1,5 million de cas suspects, on a vu en parallèle une augmentation des cas de Guillain Barré, une paralysie ascendante progressive, mais surtout une explosion de cas de microcéphalie chez les nourrissons, passés de 147 à 4 180 cas en 2015. Cela y relance d’ailleurs la question du droit à l’avortement, refusé par les gouvernements et les puissantes églises, mais aussi le droit à la contraception et aux préservatifs, car s’il se confirme un lien de causalité entre le virus zika et la microcéphalie, les femmes doivent avoir le droit de choisir, et de retarder leur grossesse le temps de l’épidémie.
A l’heure de la mondialisation libérale
A juste titre, les mauvaises langues pourront faire remarquer que l’OMS, qui s’était beaucoup fait remarquer pour son retard à réagir face à Ebola, veut aujourd’hui tirer rapidement la sonnette d’alarme... D’autant plus vite, n’est-ce pas, que Zika risque aussi de se développer dans les pays riches et dans les grandes métropoles des pays émergents. En effet, le réchauffement climatique, le transport international de marchandises, et notamment de vieux pneus à recycler, dont la forme retient toujours un peu d’eau favorable aux larves du moustique, ont mondialisé l’aire de diffusion du moustique tigre qui peut diffuser le virus. En France, on le retrouve par exemple dans 19 départements du sud de la France et en Loire-Atlantique. Et ce n’est pas l’effondrement des campagnes de démoustification en Grèce et en Espagne, sur fond d’austérité pour les dépenses publiques, qui ralentira sa progression...
La mondialisation libérale fait rapidement se rencontrer des millions de voyageurs aériens, parfois porteurs de Zika, comme lors de la coupe du monde de football au Brésil en 2014, et une population, naïve du virus qu’elle n’a jamais rencontré, qui souvent s’entasse dans d’immenses favelas où les eaux stagnantes, les carcasses de voitures, les ordures laissées à l’abandon, offrent autant de gîtes pour le développement des moustiques et la diffusion de Zika. Au-delà des campagnes de démoustification, avec des produits qui ne doivent pas être dangereux pour les populations et les écosystèmes, des répulsifs, des moustiquaires, du suivi des grossesses et des droits des femmes, cette épidémie nous rappelle que nous vivons dans un seul monde, et que les droits humains élémentaires aux biens communs que sont l’hygiène, l’information, la santé – pour tous, partout – sont plus que jamais la condition de la santé de chacun. « One world, same rights ! »
Frank Cantaloup