Avec son calendrier qui transforme les législatives en troisième et quatrième tour de la présidentielle, le système électoral à fait son œuvre. Boosté par l'élection de Macron, La République en Marche (LREM) et ses 309 éluEs n'a même pas besoin des 42 du Modem pour avoir la majorité absolue à l'Assemblée nationale...
Le néolibéralisme a, au moins formellement et temporairement, trouvé son personnel politique, son « parti-entreprise », avec son chef tellement médiatique, sa communication et ses éléments de langage, son service RH et son casting du « renouvellement ».
Très majoritaire certes, mais plus encore illégitime
Mais ce n'est rien de dire que Macron, s'il a une nette majorité parlementaire, est loin d'avoir la légitimité pour mettre en œuvre sa contre-révolution libérale et autoritaire. Avec 56,6 %, l'abstention bat tous les records historiques. Près de six inscritEs sur dix qui ne sont pas allé voter. Le gouffre entre la représentation politique et la population n'a jamais été aussi profond. La crise démocratique est loin d'avoir été réglée par cet épisode électoral. Celui-ci n'en constitue qu'un nouvel épisode, mais un épisode ravageur pour les deux partis piliers du système institutionnel qui se sont succédés au gouvernement pour mener des politiques antisociales, productivistes et antidémocratiques.
« La fin d'une époque »
Avec 126 sièges, le groupe LR-UDI peut sembler sauver les meubles, mais ce serait oublier que la droite espérait, en toute logique d'alternance, sortir triomphante de la présidentielle, puis des législatives. Mais ça, c'était avant... Et la crise est loin d'être achevée : la droite pourrait se scinder en deux groupes, l’un d’opposition à la majorité macroniste, l’autre « constructif » et prêt à voter la confiance au gouvernement. C'est Valérie Pécresse (si, si !) qui résume le mieux la situation de la droite : « Ce n’est pas une défaite, c’est la fin d’une époque. (…) Il faut tout refaire du sol au plafond »...Ce constat sans appel s'applique aussi, et plus encore, au Parti socialiste, qui n'aura plus que 29 députéEs, le pire résultat de son histoire. Il est purement et simplement rayé de la carte électorale dans d'anciens bastions comme le Nord, le Pas-de-Calais ou la Seine-Saint-Denis. En plus d'être laminé, il est lui aussi fracturé entre les « Macron-compatibles », parfois ex-ministres comme Stéphane Le Foll ou George Pau-Langevin, toujours bénéficiaires de l'absence de candidatE LREM face à eux, et celles et ceux qui se réuniront le 1er juillet dans la perspective de créer un nouveau mouvement avec Benoît Hamon.
C'est précisément dans le Nord-Pas-de-Calais, que le Front national réalise sa plus spectaculaire percée avec cinq députés, dont sa cheffe. Globalement, l’entrée de huit députéEs FN à l’Assemblée, même si c'est insuffisant pour constituer un groupe, est un avertissement comme l’étaient les près de 11 millions de voix pour Marine Le Pen à la présidentielle. N'en doutons pas, l'extrême droite cherchera à mettre à profit cette tribune pour se présenter comme l'opposition au gouvernement.
Quelle opposition ?
C'est bien cette question qui reste la plus brûlante. Pour ce second tour, nous avions appelé à voter pour les candidatEs de la France Insoumise ou du PCF, et nous saluons donc l'élection de 27 d'entre-eux et elles. Mais au-delà des problèmes politiques qui subsistent, de la division et des volontés d'hégémonie, il est évident que ce n'est pas à l'Assemblée nationale que ces prochains jours, ces prochaines semaines, ces prochains mois, va s'organiser l'opposition au macronisme.
C'est bien dans les luttes locales, dans les mobilisations nationales, dans la rue, que nous allons devoir résister à l'offensive programmée sur tous les terrains, contre la destruction du droit du travail et de la protection sociale, pour les libertés démocratiques contre l’état d'urgence à perpétuité, contre les projets productivistes destructeurs... Ensemble, syndicalistes, militantEs politiques, défenseurEs des droits démocratiques, militantEs du climat, antiracistes et féministes... nous devons débattre des moyens de reprendre l’offensive, en construisant et coordonnant nos mobilisations, mais aussi en proposant, à partir de nos luttes le projet d'une société débarrassée du capitalisme, du productivisme, de l'exploitation et de toutes les oppressions. C'est ce que nous proposons de débattre ensemble au plus vite, notamment par des rencontres et réunions unitaires.
Christine Poupin