« La réussite dans l’enseignement supérieur se prépare dès le lycée » : si on écoute le ministre de l’Éducation nationale, les lycéens sont au cœur des réformes annoncées par le gouvernement. Mais pour quoi faire ? Accompagner « chacun vers la réussite » ? Ou restreindre encore l’accès à l’enseignement supérieur des futurs bachelieErs ?
La sélection, qui passera par une autre version d’APB (admission post-bac), fonctionnera sur un mode nouveau : les établissement d’enseignement supérieur pourront répondre aux dossiers des étudiantEs avec trois réponses possibles : « oui », « oui si » ou « en attente ».
Une sélection à l’université qui se prépare dès le lycée
Ces trois réponses indiquent que l’université aura maintenant accès aux dossiers pédagogiques des étudiantsE, même dans les filières auparavant non sélectives. Elle pourra avoir accès aux notes, aux lettres de motivation, aux activités extra-scolaires, ainsi qu’aux avis du conseil de classe. En effet, durant toute la terminale, les conseils de classe examineront les demandes des élèves, et émettront des « fiches avenirs », que les universités pourront examiner pour choisir leurs étudiantEs. Les professeurs de lycée se retrouveront donc partie prenante de la sélection à l’université et du tri des étudiantEs entre filières de prestige et filières « poubelles ».
Dès le premier conseil de classe, l’équipe éducative prendra connaissance des « intentions des lycéenEs » et les orientera pour faire les vœux d’inscription sur la nouvelle plateforme. Le suivi se prolongera tout au cours de l’année et débouchera sur la production d’un avis du chef d’établissement, baptisé « fiche avenir » et transmis aux établissements d’enseignement supérieur que les lycéenEs souhaitent rejoindre. Le conseil de classe, composé des enseignantEs et jusqu’alors chargé de considérer les résultats de l’élève chaque trimestre, sera dorénavant propulsé au cœur de la procédure d’orientation, avec en prime un second professeur principal.
« Individualiser » pour mieux trier, « accompagner » pour mieux contrôler
Derrière ce suivi « personnalisé » se cache la volonté de faire cadrer l’orientation des lycéenEs avec la mise en place de la sélection à l’entrée de l’université. En effet, si l’avis du conseil de classe est négatif, il pourra être utilisé comme motif de refus par les universités. Les « fiches avenir » désignent en réalité la possibilité de faire des enseignantEs et des chefs d’établissement des acteurs importants du processus d’orientation/sélection des lycéenEs en fonction de leur parcours scolaire.
Cela renforce non seulement le tri qui existe déjà à la sortie du lycée entre les « bons » et les « mauvais » élèves, pour lesquels l’accès à la fac sera encore plus difficile, mais accentue aussi le cadrage, la pression et le contrôle sur les lycéenEs. Que se passera-t-il, par exemple, au cours d’un mouvement de grève lycéenne ? Celles et ceux qui ont bloqué leur lycée auront-ils un « avis négatif » du conseil de classe ? Celles et ceux qui cherchent à convaincre leurs camarades de descendre dans la rue devront donc le faire avec une épée de Damoclès au dessus de la tête : même s’ils et elles obtiennent le bac, « l’avis du conseil de classe » pourra être un obstacle à leur admission dans la formation de leur choix, ce qui constituera un outil de pression important.
Elsa (comité jeunes Paris 1)