Publié le Mardi 27 mars 2018 à 23h19.

La mobilisation du Mirail est devenue un problème d’État

L’université du Mirail, à Toulouse, est en train de vivre une mobilisation historique. 

Une grève qui dure depuis décembre dernier, notamment du côté des personnels administratifs, les conseils centraux empêchés de se tenir, des liens entre étudiantEs et personnels grévistes très forts, mais aussi avec d’autres secteurs mobilisés, un blocage total de la fac depuis le 13 mars, une assemblée générale historique qui comptait plus de 2 500 personnels et étudiantEs une semaine plus tard, cadres qui ne désemplissent pas avec jamais moins de 1 400 présentEs ! Une fac qui est en train de construire une mobilisation aussi massive que radicale.

Mise sous tutelle

Mais surtout une fac qui a prouvé, en ces temps où on voudrait faire peser sur nous les défaites sociales, que nous sommes en capacité de faire reculer les pouvoirs en place ! Après pas loin de quatre mois de grève, le 20 mars, les grévistes apprenaient que l’IDEX, subvention agitée pour justifier la fusion des universités, n’était plus d’actualité. Première victoire qui, si elle ne signifie pas pour autant le retrait du Mirail du processus de fusion, est le premier signe de la force de la mobilisation, et de sa capacité à mettre en difficulté les projets de classes dominantes pour nos universités.

Le même jour, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal, qui porte par ailleurs la loi ORE, annonçait par un communiqué la mise sous tutelle de l’université du Mirail, la jugeant – à raison ! – « ingouvernable ». Si l’ex-président Daniel Lacroix, dont les grévistes exigeaient la démission a ainsi été éjecté de son poste, le ministère l’a remplacé par un administrateur provisoire, Richard Laganier, et a dissous tous les conseils centraux en ayant recourt à l’article L. 719-8 du code de l’éducation.

Une affaire d’État

Cette mise sous tutelle, qui n’avait jamais été utilisée dans cet objectif clair et affiché de faire taire la contestation, est la preuve de la faiblesse du gouvernement, et de la réussite de la mobilisation, puisqu’il ne reste au pouvoir que le recours à ce tour de force pour essayer de faire rentrer les grévistes dans les rangs. « Le Mirail » devient ainsi une affaire d’État. Soit ! Car c’est bien contre cet État qui veut toujours plus fermer les universités, réduire le budget des services publics, précariser les jeunes et les travailleurEs que le Mirail se mobilise.

Cette mise sous tutelle de l’université s’est accompagnée de la menace d’une intervention policière, quelques jours après que les étudiantEs de la fac de Bordeaux ont été violemment réprimés. La reprise en main juridique du Mirail ne s’est néanmoins pas accompagnée, pour l’instant, de son corollaire répressif. En effet, s’il y avait environ 200 présentEs sur les lieux lors de l’annonce, ils ont été rejoint par des centaines d’autres personnels et étudiantEs pour contrer la menace d’une intervention policière. Et ce sont de très nombreux soutiens venant d’universités, d’organisations syndicales, de personnalités politiques qui ont fusé depuis toute la France (et d’ailleurs). De quoi dissuader fermement le gouvernement de faire usage de son bras armé pour casser la mobilisation.

Élections ? Non merci !

Si la force physique a pour un temps été écartée sur le Mirail, ce n’est néanmoins pas la seule carte du ministère pour faire cesser la grève. Richard Laganier, nouvel administrateur imposé par le gouvernement, a été envoyé sur la fac pour « trouver une sortie de crise », c’est-à-dire, dans leur esprit, pour stopper la mobilisation, avec la mission d’organiser le plus rapidement possible les élections d’un nouveau conseil d’administration (CA). La tenue d’une échéance électorale est contradictoire avec la poursuite de la grève et du blocage : tel est le pari que font la ministre et ses relais sur place. Une perspective largement rejetée par les étudiantEs et personnels mobilisés, qui ont voté de ne pas organiser d’élections avant l’été. Nombre d’entre eux et elles refusent d’être dirigés par une instance aussi illégitime qu’un conseil d’administration composé de personnalités non élues, non révocables et représentant les intérêts des grandes entreprises.

Pas de « sortie de crise » sans retrait de toutes les réformes de casse de l’université, et plus largement du service public ! Pas de négociations, pas d’amendements, c’est par la grève que nous pourrons les y contraindre ! S’ils nous répriment, qu’ils touchent à l’unE d’entre nous, nous serons des milliers à répliquer ! Flics, fachos, hors de nos facs ! Ce sont là les mots d’ordre qui font accord parmi les étudiantEs et personnels mobilisés, bien déterminés à amplifier le rapport de forces avec le gouvernement après le 22 mars, qui a été une réussite nationale et locale avec 25 000 manifestantEs à Toulouse, et alors que plusieurs universités commencent à entrer en mouvement, comme c’est le cas à Bordeaux, Nantes et Paris 1. La répression policière et les descentes de groupuscules d’extrême droite, à l’instar de ce qu’ont connu les étudiantEs mobilisés de Montpelier, ne sont pas parvenus à enterrer le mouvement. Les coups de matraque sont au contraire en train de le radicaliser et, dans de nombreuses universités, de l’élargir, montrant le vrai visage de l’État à des centaines d’étudiantEs.

Correspondante