Le gouvernement pensait que le mobilisation ne prendrait pas dans la jeunesse face au « Plan étudiants ». Erreur.
La communication efficace du gouvernement consistait à dire que la sélection en première année, via une procédure « méritocratique » (c’est-à-dire qui reproduit les inégalités sociales), serait souhaitable face au tirage au sort, honni de tous.
Attaque fasciste
La stratégie était plutôt simple : mettre en retrait l’État face à la contestation étudiante, tactique qui avait jusqu’ici plutôt bien marché, en faisant bien attention à limiter la répression des manifestantEs pour ne pas reproduire les erreurs de la loi travail, avec notamment le tabassage par la police d’un lycéen de Bergson, qui avait créé tant d’émoi. Cependant, face à ce retrait des forces de l’ordre et face aux initiatives étudiantes qui ont commencé à monter en radicalité, avec l’occupation de facs comme Montpellier et le blocage d’autres établissements, certains doyens et autres fachos en tout genre n’ont pas vu le retrait tactique de la police d’un bon œil.
Une agression d’une milice fasciste plus tard, la situation politique s’est retournée dans la jeunesse. À l’attaque de l’extrême droite montpelliéraine s’est ajoutée la grève très suivie dans les chemins de fer, qui a contribué à changer, dans une moindre mesure, l’état d’esprit des étudiantEs.
D’un 22 mars à l’autre
Le 22 mars restera peut-être comme un clin d’oeil de l’histoire : cinquante ans après l’occupation du huitième étage de la tour administrative de la fac de Nanterre, les cheminotEs et les étudiantsE sonnent le début d’une nouvelle séquence sociale dont l’imaginaire puise d’ores et déjà dans l’imaginaire de 1968. Si les étudiantsE qui occupent Tolbiac sont en survêtements et t-shirts et non en costume deux pièces comme les étudiantEs d’antan, les méthodes de la lutte ne changent pas. En témoignent les 13 facs occupées en France, et parmi elles tous les bastions du mouvement étudiant : Toulouse Le Mirail, Montpellier 3, Rennes 2, Nantes, Paris 1. Dans cinq universités, les assemblées générales ont dépassé le stade symbolique du millier (Nancy, Nantes, Tolbiac, Montpellier, Toulouse), avec jusqu’à 2 500 personnes en AG à Montpellier.
Des chiffres qui doivent cependant se renforcer, pas tant localement que dans l’extension de la grève dans les quelque 75 universités de France, pour prendre une ampleur nationale. Pour cela, il va falloir que les universités mobilisées se posent concrètement la question de l’extension de la grève sur les établissement avoisinants. De plus, en ce qui concerne les facs occupées comme Le Mirail, Montpellier ou Paris 1, il va falloir se poser la question de tenir le blocage en proposant aux étudiantEs une réelle vie universitaire alternative au service de la lutte.
Convergence avec les cheminotEs ?
L’autre aspect central, et qui inquiète beaucoup le gouvernement, ce sont les possibles convergences entre cheminotEs et étudiantEs. Alors que le gouvernement misait sur l’isolement des travailleursE du rail, la perspective d’un mouvement étudiant fait peur, d’autant plus que dans un certain nombre d’endroits comme à Paris 1, des cheminotEs et des étudiantEs discutent déjà très concrètement de comment transformer ce mouvement contre Macron en mouvement interprofessionnel : en plein lundi de Pâques, la fac occupée de Tolbiac a accueilli une table ronde avec des cheminotEs des gares parisiennes et près de 250 étudiantEs, alors que la fac était fermée !
Manifester ensemble, décider d’un plan de bataille ensemble : voilà ce qu’il s’agit encore de construire, mais dans de nombreuses gares, la perspective d’un mouvement étudiant parallèle à une grève cheminote rappelle surtout la dernière grande victoire du rail, à savoir 1995, victoire permise aussi par les convergences entre les facs occupées et les piquets de grèves qui ont fleuri pendant l’hiver 1995.
Georges Waters