Publié le Mercredi 18 avril 2018 à 11h37.

Quel plan de bataille pour gagner contre la sélection à l’université ?

Pourquoi Macron n’a-t-il pas peur du mouvement étudiant qui se développe ? Alors que certaines assemblés générales atteignent des fréquentations jamais vues, comme à Rennes 2, le gouvernement semble (relativement) tranquille face aux étudiantEs mobilisés contre la sélection.

Malgré l’aspect massif de la mobilisation, ce qui ressort est une difficulté à fixer de grands rendez-vous communs, qu’il s’agisse de dates de manifestations ou d’actions. Le 22 mars en était un, mais entre cette date et le 19 avril, aucune manifestation n’a réussi à faire venir plus de 10 000 étudiantEs dans la rue, même si, à l’échelle de la région parisienne, le nombre de personnes réunies dans diverses AG chaque semaine dépasse ce chiffre. 

Absence de direction 

Avec l’effondrement du PS sous Hollande et notamment l’épisode de la loi El Khomri, ce sont tous ses satellites plus ou moins lointains qui ont subi les contrecoups de la politique des socialistes, de l’UNEF aux Jeunesses communistes (JC). Le bureau national de l’UNEF est aujourd’hui incapable de prétendre diriger le mouvement contre la sélection. Il n’est d’ailleurs ni un interlocuteur sérieux pour l’Élysée ni pour les médias. Si de nombreux membres de l’UNEF continuent à militer dans les facs, beaucoup s’éloignent, voire désavouent la politique de leur bureau national. Face à cela, La France insoumise, qui a été « purgée » de la direction nationale de l’UNEF l’été dernier, n’arrive pas non plus à imposer ses perspectives. En témoigne l’échec au niveau national de la marche du 14 avril, que les mandatés La France insoumise à la Coordination nationale étudiante (CNE) de Nanterre (7-8 avril) voulaient transformer en des « manifestations de masse partout en France ».

Le gouvernement mise sur le fait que le mouvement reste sans direction, qu’il reste une constellation de mouvements locaux sur chaque fac peinant à mettre en œuvre un plan de bataille national. Dans ce sens, la tentative de la construction d’une CNE, vouée à rassembler des représentantEs élus de toutes les facs mobilisées, et à donner des perspectives, est fondamentale. Trois CNE se sont déjà réunies, à Montpellier, Le Mirail et Nanterre, pour tenter de trouver le moyens, nationalement, de lutter contre la sélection et d’accentuer le rapport de forces. 

Se coordonner

Face à ces difficultés, la première priorité est de trouver les moyens de coordonner toutes les facs et de se doter d’un plan d’action pour battre Emmanuel Macron. La CNE de Nanterre était une première tentative pour cela, qui a partiellement réussi : il faut renforcer l’auto-organisation par les assemblées générales et les coordinations. À ce titre, la politique d’un certain nombre d’universités, où les tendances autonomes dirigent la mobilisation, de bouder les cadres de discussions avec les autres tendances politiques, est délétère : elle laisse le champ libre à la direction de l’UNEF et aux Jeunes Insoumis pour donner leurs perspectives, sans prendre en compte ce qui se passe à Bordeaux, Rennes 2, Nantes ou encore Paris 8, qui sont des universités très mobilisées, et plus généralement sans prendre en compte l’avis de la grande majorité des étudiantEs mobilisés. Elles contribuent à l’isolement et le renfermement sur soi des facultés mobilisées, empêchant de fait une massification du mouvement contre la sélection. Ces coordinations sont plus que nécessaires pour faire émerger des dates de communes de mobilisation à l’échelle nationale, ainsi que des revendications claires contre un gouvernement qui cherche à détruire l’université publique.

Développer l’auto-organisation

Au delà des questions de calendrier, qui sont essentielles pour établir un plan de bataille contre la sélection et son monde, il faut que les étudiantEs décident eux-mêmes de leurs moyens de mobilisation et de leur calendrier. Face à cela, les Jeunes Insoumis et la direction de l’UNEF sont des obstacles à la construction d’un réel mouvement auto-organisé. Lors de la CNE de Nanterre, plutôt que de proposer de pérenniser un cadre de coordination primordial pour structurer la mobilisation, les dirigeants insoumis ont proposé de repousser la prochaine rencontre deux semaines plus tard, en plein milieu des vacances, plutôt que de se revoir la semaine suivante. Une manœuvre coordonnée avec la direction de l’UNEF, qui espère toujours pouvoir être le représentant légitime de la jeunesse, malgré ses reculs incessants. Toujours coordonnés, les Insoumis et la direction de l’UNEF ont refusé que des porte-parole mandatés par la coordination puissent être élus ; un moyen de faire en sorte que Lilâ Le Bas (présidente de l’UNEF), Jean-Luc Mélenchon ou François Ruffin restent les visages de la lutte contre la loi ORE et son monde.

La prochaine coordination nationale doit être l’occasion d’avancer vers un mouvement étudiant d’ensemble qui se donne ses propres moyens de lutter. Le mouvement continue de se développer, il faut maintenant déterminer où il ira.

Georges Waters