À mi-chemin entre la « colonie de vacances » et le service militaire, le Service national universel (SNU) est composé de deux semaines de « cohésion », ce qui en vérité signifie deux semaines encadrées par des militaires avec lever de drapeau, hymne national et activités sportives. Avec cet ersatz de service militaire, dans une période de forte contestation de la dimension anti-démocratique et répressive de la 5e République, Macron et son gouvernement veulent mettre au pas la jeunesse.
Alors que le gouvernement nous explique que nous devons faire des économies, il supprime à tour de bras des postes de professeurEs dans le secondaire (7 490 depuis 2017 selon la CGT) et dépense deux milliards d’euros afin de généraliser le SNU. Tandis que les dépenses annuelles dans le secondaire sont de 11 300 euros par élève, le SNU en coûterait 4 000 par jeune !
Pour que perdurent les injustices et l’exploitation, Macron a besoin d’une jeunesse qui se tient sage. Derrière la symbolique de la « cohésion » et de « l’engagement » se trouvent la discipline des corps et le bourrage des crânes. À la suite des deux semaines d’encadrement, les jeunes pourront effectuer 12 jours de « missions d’intérêt général », c’est-à-dire travailler gratuitement, souvent pour l’État, pour remplacer les postes supprimés.
Des travailleurEs exploités et dociles
Dans le même temps, le gouvernement continue ses cadeaux aux riches avec la réforme des lycées professionnels, qui conduira les lycéenEs à être payés au lance-pierre par l’État, ou avec la réforme du RSA, qui contraindra les bénéficiaires à travailler 15 à 20 heures par semaine. L’ensemble de ces attaques contre notre camp social contribue à institutionnaliser le tri social et à nous diviser : les « bons travailleurEs» d’une part et ceux et celles qui, d’autre part, « profiteraient » du système en percevant des aides. Les jeunes issuEs des classes populaires n’auront d’autre choix que de peiner à trouver un travail (en raison de leur faible qualification) ou de s’adapter à des conditions précaires et de misère. D’autres seront encouragéEs à entrer dans la police dont le système de recrutement est en crise.
Une contestation bruyante et festive
Le 3 mai, la caravane du SNU s’est rendue à Valenciennes. Dans cette ville moyenne du Nord-Pas-de-Calais, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans est de 35 %, plus du double de la moyenne nationale. Comme à chaque sortie macroniste, un beau comité d’accueil attendait l’ouverture du village. Les Jeunesses anticapitalistes de Lille s’y sont rendues en nombre et ont rejoint les camarades de Valenciennes. Lorsque nous sommes arrivéEs, la sécurité a fermé l’entrée principale. Nous avons tenté à plusieurs reprises de pénétrer dans le village mais les forces de l’ordre nous en ont empêché. Nous étions une cinquantaine de personnes — militantEs syndicaux, politiques, Gilets jaunes, jeunes étudiantEs — enthousiastes et déterminéEs, avec au programme chants, casserolades et jeux. Nous sommes restéEs jusqu’au démantèlement du camp et avons pu constater que, à part les bénévoles, très probablement fils et filles de policiers comme l’indique la mission sénatoriale conduite par Éric Jeansannetas1, quasiment personne n’y est entré. Les forces de l’ordre ont été déployées tout au long de la journée pour protéger un espace vide sur lequel campaient les panneaux publicitaires du SNU. Les jeunes et la vie démocratique sont restéEs de l’autre côté de la barrière.