Publié le Dimanche 14 février 2016 à 14h33.

Une accumulation d’expériences préalables

La « génération CPE » s’est forgée dans une accumulation de mobilisations contre les « gouvernements CRS » (Chirac, Raffarin, Sarkozy) à partir de 2002.

Elle a commencé à se construire avec la mobilisation contre Le Pen en avril et mai 2002. Les manifestations se sont alors imposées comme le meilleur moyen d’exprimer un « plus jamais ça »... 

Des mobilisations « idéologiques »

L’escalade guerrière autour de 2003, en Irak, en Afghanistan, en Palestine et en Afrique, a conduit à des mobilisations importantes. On y a appris à organiser des cortèges imposants, dynamiques, et en coordination – et parfois confrontation – avec les organisations réformistes (MJS, JC). Dans la même période se sont développés les forums sociaux et les mobilisations contre les sommets du G8, de l’OTAN, de l’OMC, qui ont apporté aux formes habituelles de lutte (manifestations, grèves…), des débats, des animations culturelles et festives. Cette dimension, que l’on a retrouvé lors des blocages et occupations d’universités, a permis de tenir une mobilisation durable et ancrée, avec une dimension de contre-culture et de contestation de l’ordre existant.

La « guerre scolaire »

2003 a été marquée par la mobilisation contre la réforme LMD sur les universités. Même si l’Unef a tenté de construire un mouvement national, les départs en grève ont eu lieu en ordre dispersé et le mouvement n’a pas été assez fort pour empêcher la réforme. Mais cela a remis au goût du jour la construction de coordinations étudiantes, de grèves durables sur les universités. De plus, il a fallu réapprendre à combiner la construction unitaire d’une mobilisation et les batailles d’orientation sur les revendications et les rythmes de construction. La direction de l’Unef a également compris que, si elle voulait construire des mouvements massifs, elle devait nécessairement élargir sa surface en passant par l’auto-organisation. Les révolutionnaires, notamment à l’époque aux JCR, l’organisation de jeunesse de la LCR, ont appris qu’il ne faut pas trop attendre pour voter de bloquer les universités, construire une coordination nationale, et une direction au mouvement.

De même, lors du mouvement lycéen de 2005, préparé de septembre 2004 à février 2005, les organisations de lycéens dirigées par des courants du PS (FIDL, UNL) se sont coordonnées avec les JCR pour construire et structurer le mouvement, y compris avec la construction d’une coordination nationale. Malgré ses limites, elle a synchronisé la mobilisation et fait partager l’apport principal de cette mobilisation, la tactique du blocage des lycées : les lycéens manifestants étant notés comme absents et signalés à leurs familles, des centaines de lycées avaient donc décidé de bloquer l’accès aux établissements !

Les quartiers populaires comme déclencheur

Enfin, avec la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré fin 2005, les banlieues se sont embrasées. La LCR et les JCR ont analysé cela comme une mobilisation sociale, malgré la faiblesse des revendications et l’absence de structuration. Une réunion unitaire a rassemblé une trentaine d’organisations de jeunesse – politiques, syndicales, associatives – pour apporter son soutien à cette révolte, même si cela n’a pas abouti à des manifestations massives. Beaucoup ont alors pris conscience du décalage entre les organisations de jeunesse et les banlieues, de la difficulté à le combler.

Et fin 2005, tout est en place : il est clair que la jeunesse n’a pas été démoralisée par les mobilisations des années précédentes, mais qu’au contraire elle a été à la recherche d’une voie dans l’affrontement avec le pouvoir. Avec une préoccupation : chercher un événement déclencheur, car il suffisait d’une étincelle pour embraser la jeunesse. Le Premier ministre Villepin, pour prouver qu’il pouvait être aussi radical que Sarkozy, va fournir lui-même l’allumette…