La baisse de 5 euros des APL n’aura donc pas suffi. La Fondation Abbé Pierre vient en effet de révéler que le gouvernement avait décidé de geler le montant des APL, ce qui entraîne mécaniquement une augmentation du coût de la vie pour les personnes et les foyers les plus pauvres.
À peine en place, le gouvernement s’en était pris aux dispositifs d’aide au logement en plein été 2017, en imposant une baisse unilatérale de 5 euros de toutes les APL. Cette attaque avait fait polémique, d’autant plus qu’elle avait lieu au moment où le gouvernement prenait des mesures de suppression de l’impôt sur les grandes fortunes et autres cadeaux aux plus riches. On peut même considérer que c’est la mesure fondatrice de l’image qui colle à la peau du pouvoir depuis lors : le gouvernement des riches, le président des riches.
Une augmentation du coût de la vie
Le pouvoir avait ensuite ponctionné le budget des bailleurs sociaux en leur imposant une baisse annuelle de 50 à 60 euros des APL avec interdiction pour eux de la répercuter sur le loyer. Une perte sèche pour les bailleurs, qui ont été fragilisés par cette mesure. Moins d’argent donc pour les nouvelles constructions, les réhabilitations, et c’est tout le logement social qui est atteint.
Et voilà qu’on découvre un troisième mauvais coup. C’est la Fondation Abbé Pierre qui a levé un lièvre qui était jusqu’alors passé inaperçu : dans la loi de finances votée en décembre 2017, il a en effet été glissé la non-réévaluation du montant de l’APL en 2018. Elle est normalement indexée chaque année en octobre sur l’évolution moyenne des loyers, et aurait donc dû être augmentée de 1,8 % (l’indice de révision des loyers), soit 4,20 euros par mois sur un niveau moyen d’APL de 231 euros. Évidemment, ce sont les locataires qui ont le plus besoin de l’APL qui vont être le plus impactés par cette « non-augmentation », comme le dit Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires, dans un euphémisme typique de la Macronie. Ils et elles en paieront le prix, avec ce qui est rien moins qu’une hausse directe du coût de la vie. En effet, comme l’a rappelé par exemple le journaliste économique Romaric Godin sur Mediapart le 22 juin, « toute "non-augmentation" se traduit donc par un fait simple : une dévalorisation de fait des APL et la nécessité pour ses bénéficiaires d’assumer la hausse des prix par leurs autres revenus. C’est donc bien une perte sèche pour ceux qui touchent les APL, même si la valeur nominale du montant versé reste la même. »
Qui sème la misère…
Mises bout à bout, les multiples attaques contre les APL font bien système : charge contre le logement social, charge contre les aides -sociales, aggravation des conditions de vie des plus précaires d’un côté pendant qu’on s’assure des cadeaux aux patrons et aux plus riches (10 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux entreprises et aux ménages les plus aisés en 2018), un train de vie fastueux pour les autres, jusqu’à la caricature avec la révélation de dépenses de 500 000 euros pour… le service de vaisselle de l’Élysée, ou de l’utilisation par Macron d’un avion pour parcourir 110 kilomètres… Tout cela ne devrait pas durer éternellement : à force de tirer sur la corde, le président des riches et son gouvernement du mépris récolteront, tôt ou tard, la colère.
Jean-Marc Bourquin