Dans le quartier populaire de la Villeneuve à Grenoble, où le taux de pauvreté est l’un des plus forts de l’agglomération, s’est déroulé un référendum d’initiative citoyenne (RIC).
Ici, les habitantEs ont une longue histoire de solidarité et de résistance, aussi ils ne baissent pas les bras quand ils découvrent le projet de destruction massive de logements sociaux. Après avoir épuisé les recours possibles, ils ont décidé d’organiser un RIC.
« Éric, un RIC ! »
Les Gilets jaunes portent cette revendication démocratique que soutient également Éric Piolle, maire de Grenoble… sauf dans sa ville ! Alors que 17 000 ménages sont en attente d’un logement social dans l’agglomération et que les rues sont pleines de personnes qui dorment dehors, la convention entre l’État, l’ANRU, la Métro, la ville et les bailleurs sociaux prévoit la démolition de 303 logements, d’abord puis celle de 470 logements, déjà fléchée dans les budgets futurs même si la décision finale pour cette seconde tranche sera prise plus tard. Les élus locaux défendent qu’il faut ouvrir ce quartier et que sans l’ANRU qui impose ces démolitions, il n’y aura pas de budget pour les rénovations des logements restants ou la reconstruction. L’ANRU, financée essentiellement par une association dont le président n’est autre que le patron des patrons du BTP, paie essentiellement les démolitions (85 %) : c’est là une source de profit importante du BTP. Les collectivités et les bailleurs sociaux, donc les locataires, financent les rénovations.
Une forte mobilisation
Le Collectif contre les démolitions, l’Association des résidents du 10/20 Arlequin, le DAL, l’Alliance citoyenne, deux élus municipaux membres d’Ensemble à gauche, des chercheurs de l’IEP, des membres du FUIQP, du NPA, des lanceurs de tuiles (issus de la FI), des Gilets jaunes et de nombreux Grenoblois se sont engagéEs dans une réelle campagne. Des journalistes ont suivi également toute la démarche. La campagne référendaire a commencé par un mois de porte-à-porte pour que touTEs les habitantEs puissent se forger un avis, avec de très riches discussions. Du 14 au 20 octobre a eu lieu le vote, effectué méticuleusement, avec urnes fermées à clef, mises en sécurité le soir chez des scrutateurs différents, contrôle inopiné des 3 bureaux de vote par des scrutateurs indépendants. Pouvaient voter touTEs les habitantEs de l’Arlequin, âgés de plus de 18 ans, quelle que soit leur nationalité. La quittance de loyer avec la carte d’identité ou le titre de séjour étaient les documents indispensables. Ce qui représente un corps électoral de 2 276 votantEs (chiffre Insee). Au terme du dépouillement, voici les résultats : 526 votantEs, soit un taux de participation de 23 %, 130 (25,04 %) pour les démolitions, 365 (70,32 %) contre, 24 abstentions, 5 blancs, 2 nuls. À comparer avec les 6 % de participation au budget participatif, aux 15 % aux élections européennes ou aux 16 % du vote organisé à Pantin sur une démolition. Pas un raz-de-marée, mais un résultat encourageant pour continuer la lutte.
Un RIC illégal en France… mais légitime
36 pays et plusieurs États des USA ont inscrit le RIC dans leur Constitution. Certes, ce n’est qu’un outil, qui ne suffira pas à abattre le système économique actuel ! Mais c’est un excellent outil de mobilisation et de conscientisation. Particulièrement dans les quartiers populaires où les habitantEs subissent souvent, avec mépris et racisme, de multiples injustices sociales et politiques. Nous devons exiger que l’avis des personnes concernées soit impératif avant toute décision bouleversant leur vie. Ici, ils et elles estiment majoritairement que ce qui serait vraiment utile c’est une rénovation de qualité des logements, des espaces communs, l’amélioration de leurs conditions de vie.
Démolir des logements sociaux ne résoudra pas les réels problèmes de pauvreté des habitantEs. La ville et les autres institutions refusent de prendre en compte ce RIC et de sortir la Villeneuve du plan de l’ANRU. Après des années de travaux bruyants et polluants pour les locataires, le risque est grand que les plus pauvres d’entre eux soient expédiés dans des quartiers excentrés, plus pauvres, où les conditions de vie sont plus difficiles encore. Dans quel but ? Implanter une autre population à Grenoble ? La lutte continue !
Roseline Vachetta