La crise sanitaire qui impose le confinement vient percuter les familles qui sont déjà en situation précaire, tant sur le plan des revenus que sur celui des dépenses.Si quelques-unEs des habitantsEs des quartiers populaires ont pu faire du télétravail, beaucoup ont des activités qui ne peuvent être exécutées chez soi. Les entreprises ont eu recours au chômage partiel, ce qui entraîne une perte de revenus de l’ordre en moyenne de 150 à 200 euros mensuels par salariéE (en fonction du niveau de rémunération). Et il y a toutes celles et ceux qui n’ont même pas pu en bénéficier.
Équilibre précaire remis en cause
Pour les CDD, les intérimaires, les temps partiels, les auto-entrepreneurs, les petits boulots... c’est bien souvent zéro revenu sur le mois d’avril, alors même que les dépenses sont globalement parties à la hausse. Pas de cantine ou de restaurant d’entreprise, et davantage de repas à la maison avec plus de monde à nourrir. L’équilibre précaire qui existait auparavant est remis en cause. Impossible de faire les fins de marché, les promos des grandes surfaces, impossible de se débrouiller comme on le faisait avant, en comptant sur les unEs et les autres, a fortiori quand les prix des denrées alimentaires, qu’on achète en plus grande quantité, augmentent.Quand il n’y a plus de ressources dans le ménage et que la préoccupation première devient la quête de nourriture, il devient évident qu’il n’est plus possible de payer son loyer. L’échéance de mars a été difficile, avec une augmentation des impayés de 10 % à 20 % en moyenne selon les bailleurs. Et pourtant, nombre de locataires ont négocié des prêts auprès de leurs employeurs quand ils ont pu le faire, ou des étalements de dettes auprès des bailleurs. Mais l’échéance d’avril vient d’arriver et elle sera bien plus problématique. La question de l’exonération du loyer pendant la durée du confinement s’impose tout naturellement dans l’actualité.
Les bailleurs font bloc
Cette revendication a pris de l’ampleur dans les quartiers populaires, notamment dans le 93 car, avant même le coronavirus, la situation des locataires y était critique. Des pétitions se sont multipliées pour demander la suppression des loyers durant le confinement, des appels départementaux d’associations de locataires (Isère, Seine-Saint-Denis...) ont demandé la suspension immédiate des loyers. Le DAL a lancé une campagne nationale « Pour un moratoire, nous suspendons nos loyers » qui vise à faire pression sur l’ensemble des opérateurs du logement pour arracher une décision favorable aux locataires.
Face à cela le gouvernement n’a répondu que par l’allocation exceptionnelle qui sera versée à la mi-mai, bien insuffisante pour faire face aux besoins. Si de rares bailleurs, dans le 93 particulièrement, ont réagi soit en annulant le loyer d’avril (Bobigny1), soit en appelant l’État à prendre une décision (Aubervilliers, La Courneuve), pour le moment les principaux bailleurs font bloc. Ils refusent de prendre sur eux le coût de la facture et renvoient sur le gouvernement la décision d’une éventuelle suppression. L’USH (le regroupement des bailleurs publics) s’exprime dans ce sens sur son site tandis que l’ESH (le regroupement des bailleurs privés) ne propose pour le moment qu’un accompagnement renforcé du suivi des locataires en difficultés.
Double peine pour les locataires ?
Il faut rappeler qu’en 2018 le gouvernement a engagé une « réforme » des APL qui n’a été qu’une simple ponction dans les caisses des bailleurs pour équilibrer le budget de l’État. Ceci a fragilisé les plus petits bailleurs, qui fonctionnent sans réserve de trésorerie et doivent être aidés en permanence pour ne pas faire faillite, tandis que les principaux sont dans un bras de fer avec le gouvernement et n’ont pas l’intention de passer à la caisse une deuxième fois.
Reste enfin à savoir quelle sera la réaction des bailleurs, de la justice, des préfectures face aux impayés ? Le gouvernement a prolongé la trêve hivernale jusqu’au 30 mai, mais il est bien évident qu’il faudrait qu’il la prolonge au moins jusqu’au 31 mars 2021. Et Édouard Philippe n’a rien dit sur le logement lors de son discours à l’Assemblée, pas un mot pour rassurer les locataires sans ressources qui peuvent craindre la double peine de l’expulsion. Ce faisant, il laisse planer la menace.L’exonération des loyers est absolument indispensable pour nombre de ménages. La pression doit s’exercer sur l’ensemble des opérateurs du logement, du plan local jusqu’au niveau national, par les prises de position, les banderoles aux fenêtres, les tracts dans les cités, les manifestations unitaires quand elles peuvent se tenir. Ce n’est pas aux locataires de faire les frais d’une pandémie dont ils ne sont pas responsables et dont ils paient le prix fort.
- 1. Hélas, pour les locataires, l’OPH de Bobigny est revenu depuis sur l’annonce de suppression des loyers pour le mois d’avril, s’opposant en cela au maire UDI de la ville qui tentait par cette décision d’améliorer sa position pour le deuxième tour des municipales.